Je pars moi aussi

Nous sommes rendus à 2 jours du jour J. Nous sommes rendus au point où il n'y a plus de doute: On part pour vrai! Après 8 mois de préparatifs et d'attente, je pars pour de bon. Je suis tout à fait prêt.

Mon sac est fait: 19 lbs! Je suis pas mal surpris. Moi qui pensais que je n'aurais pas assez de place dans mon sac pour tout ce que je posséderais pour 10 mois.

J'ai aussi fait mes derniers adieux à mes amis les plus proches. Ça m'a bouleversé. Je ne les verrai pas avant 10 mois et, comme ma mère m'a dit, je vais vivre des choses différentes qu'eux et vice versa. Je me demande comment nos relations vont être à mon retour, je le saurai surement dans 10 mois, je suis un peu inquiet...

Il me reste seulement quelques petites choses à faire par exemple: me pratiquer au scooter, faire mon lavage, etc. Mais je dois (même si je suis un ado indépendant) aider mes parents à faire le ménage de la maison...

Maintenant, la question que tout le monde me pose est: es-tu stressé? Oui et non... Je fais pleine confiance en mes parents (je n'ai pas le choix) pour tout ce qui est préparatifs et organisation. Cependant, je suis quand même incertain et inquiet sur ce qui va se passer après nos trois nuits réservées à l'auberge de jeunesse à Kunming, mais bon il faut apprendre à vivre au jour le jour et de planifier en temps et lieu.

J'ai hâte de partir, je compte les jours, mais je ne me rends pas compte de l'ampleur du projet. Je crois que je la réaliserai seulement une fois arrivé à destination. Rendu là... ça va vraiment commencer.

Je papillonne

Des papillons dans le ventre.
Toute une colonie!

J'ai hâte d'être en Chine pour les laisser s'envoler.

Ce n'est pas le départ qui me rend fébrile, mais plutôt l'arrivée.
L'incapacité de visualiser.
Le lâcher-prise nécessaire.
L'impossibilité de tout régler au quart de tour.
Ne pas savoir à l'avance.
Ne pas pouvoir tout prévoir.

Car je ne suis pas seule.

Je "voyage" quatre enfants qui comptent sur moi pour manger, dormir, se déplacer, vivre des expériences, découvrir des choses...

Bon, ils sont débrouillards mes poussins.
Ils sont même grands.
Mais, pour la première fois, nous, les parents, serons vulnérables.
Et nous aurons, nécessairement, des failles et des craquelures sur notre vernis d'adultes.

On devra composer avec ça.
Établir d'autres liens avec nos enfants adolescents.

S'ouvrir à eux dans ce que nous avons de plus intimes, soit nos peurs et nos doutes.
Se montrer, l'âme nue, humblement, dans toute notre simple humanité.

C'est aussi ça, un peu, les papillons.

Le vingt-quatre juin

J'écrivais précédemment que «nous ne reviendrons pas». En fait, paradoxalement, la même journée, nous avons appris notre date de retour.

À vouloir acheter ses billets si tôt (principalement pour deux raisons: bénéficier de très bons prix et ne plus avoir le choix de faire marche arrière...), et en partant pour si longtemps, il était impossible de fixer un vol de retour, puisqu'il n'en existait pas encore dans les systèmes des compagnies aériennes. Voici que c'est fait.

C'est un peu le hasard qui fait que nous revenons le 24 juin. Et cela nous fait sourire.

*

Ce nous, en italiques, c'est celui que nous nous préparons à ne pas reconnaitre dans dix mois.
Ce sera, en effet, une toute autre Saint-Jean.

Sursis

Nous nous trouvons dans un étrange sursis.
Tout semble prêt.
Le départ est fixé dans une semaine.
Il ne nous reste qu'à voir ceux qu'on aime.

(On a pris la mauvaise habitude d'aimer beaucoup et facilement.
Alors une semaine n'est pas de trop.)

On dirait presque qu'on fait nos adieux.
Comme si nous ne reviendrions pas.

Mais c'est surement vrai.
Nous ne reviendrons sans doute pas.

Il manque un drapeau du Québec, je sais.

Sac à dos 50L: 4 lb
Sac de jour 15L (qui s'attache après l'autre) contenant gourde, crayons, mouchoirs: 2 lb
Vêtements: 10 lb + 3 lb de souliers
(imperméablepantalonpantalonshortchemisechemisechemiseàmanchecourteschemiseàmanchecourtes
souliersderandonnéelégèregougounessandalesBirkenstockmerciCarolecostumedebainSpeedopasparce
quec'estbeaumaisparcequeçaprendmoinsdeplacechandailàcapuchoncombinesbasbascaleçonscaleçons
caleçonscaleçonscaleçonsmouchoirdébarbouillettetuque(légèrepourleshauteurscapotezpaslà)serviette
microfibret-shirtt-shirtbasdepyjamaletoutbientassé)
Trousse de toilette: 2 lb
Miniportable: 3 lb
Appareil photo: 2 lb
Trousse de dépannage incluant outil multifonction, tie-wrap, pinces à linge, kit de couture, cordelette, cadenas, crochet, lampe de poche + piles, sacs ziploc, etc. : 2 lb
Trousse de pharmacie: 3 lb
(acétaminophène, ibuprofène, toute la gamme des anti: antibiotiques, antiacide, antinausée, antihistaminique, antalgique, antifongique, anti-infammatoire, antidiarrhéique, réhydratant, anesthésique, pastilles pour la gorge, thermomètre, pansements, désinfectant)

(Laurence portera dans son sac de jour la petite trousse d'urgence: pansements divers, steri-strips, onguent antibiotique/anesthésique, pansements pour ampoules, gravol, acétaminophène, antidiarrhée, désinfectant)

Le tout donne 31 lb (moins les vêtements que je porterai), soit moins de 30 lb! (À moins d'être en gougounes et en Speedo.) Il manque quelques trucs, que nous répartirons dans les sacs de Nicolas et Olivier: savon à lessive, chasse-moustique, chargeurs et câbles, et guitare de voyage. Et oui, dix mois sans bien des choses passe encore, mais dix mois sans guitare...

Pour les enfants, on vise une quinzaine de livres pour les deux petits (essentiellement leurs vêtements et trousses de toilette), une vingtaine pour les plus grands (lire: plus grands même que nous...)

(Mes excuses à Richard et aux autres puristes de n'avoir pas poussé le MKSA jusqu'au bout.)

Lettre à Audrey

Belle Audrey, c'est à toi que je pensais, cette nuit, lorsque l'insomnie a pris possession de ma tête.
Je te revoyais dans notre salon à nous parler de tes préparatifs australiens.
Nous étions rassurants.
Go Audrey, le monde est à toi.
Tout va bien aller.
Ne te laisse pas abattre par tes peurs, les peurs de ta mère, les peurs des autres.
Fonce et défonce les portes.
Tu vas revenir changée.

Tu vas revenir.

C'est à toi que je pensais, cette nuit, quand mes propres peurs ont rempli ma tête.
Audrey, belle Audrey... tu sais qu'il y a des scorpions en Asie?
Des gros qui piquent super fort?
Tu sais que la terre tremble 300 fois par année en Birmanie?
Qu'il y a des affrontements militaires fréquents dans le triangle d'or?
Des tsunamis en Indonésie?
Le mal des montagnes au Népal?
Des courants fous en Thaïlande?

Audrey, j'ai peur à mon tour.
Peur du monde que je veux tellement comprendre.
Peur de ne pas trouver les réponses.
Peur de me décevoir.
Peur de perdre des morceaux de moi en chemin.
Ou, pire encore, perdre des morceaux de mes petits sur la route.

Alors, je pense à toi.

Merci d'être partie.
Et, merci surtout d'être revenue.