19 mai 2012

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Nous demandons pardon d'avance à nos familles pour ce qui va suivre. Désolé Maman.


*


Devant les décisions honteuses du gouvernement de Jean Charest et surtout en soutien aux étudiants québécois dans leur lutte pour une plus grande justice sociale, une lutte que nous soutenons sans réserve et qui devient la nôtre, nous avons pris la décision de nous mettre en grève de publication sur ce blogue.

Nous avons pris cette décision sur un bateau, quelques heures après avoir pris connaissance des termes de la loi spéciale qui sévira au Québec, une «déclaration de guerre aux étudiants», comme le titrait Le Devoir. Nous exposions les clauses de cette loi à nos enfants qui étaient curieux d'en savoir plus, quand Olivier, du haut de ses quatorze ans, s'est étonné, inquiet : «Mais... qu'est-ce qu'il reste de la liberté d'expression?»

Comme plusieurs d'entre vous, nous avons peur.

Déjà, le gouvernement se moquait carrément des revendications de nos étudiants pour une société meilleure. Cela nous mettait en colère et nous indignait, car pourtant, quand on prend vraiment le temps de les comprendre, on se rend compte que leurs idéaux sont non seulement beaux, mais surtout justes, et, malgré ce qu'on en dit, réalistes.

Mais maintenant, le travail que nous exerçons avec passion, Laurence et moi, nos convictions les plus profondes, ce que nous essayons d'enseigner et de léguer, tout cela se trouve bafoué.

Nous sommes désormais en deuil.

Et être si loin du Québec accentue notre douleur déjà atroce, car nous ne pouvons pas manifester directement nos voix, nos larmes. 
Démunis, nous nous battons donc à notre manière, à défaut de pouvoir faire entendre nos cris dans notre pays et dans ses rues, et en attendant d'en avoir le privilège.

Dans ce combat, notre grève se veut un symbole.

Même si vous êtes des centaines, probablement des milliers, à suivre ce blogue, notre action n'est, sans doute, qu'une goutte d'eau.


Au moment où j'écris ces lignes, il me faut à peine détourner le regard de quelques degrés pour contempler toute la splendeur puissante de la Mer de Chine septentrionale.

Elle est formée de gouttes d'eau.


*


Nous continuons de voyager, de prendre des photos et d'écrire nos billets. Nous les publierons plus tard, quand nos espoirs nous seront permis.


Entretemps, voici quelques suggestions qui, à notre avis, et parmi tant d'autres, pourront remplacer avantageusement, dans les circonstances, la lecture de la suite de nos aventures.



  
À bientôt, j'espère.


Course intrépide

17 mai 2012

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Inspiré d’une histoire vécue, quand nous sommes vraiment allés pour de vrai marcher dans la vraie vie au parc national de Penang (sous la vraie de vraie pluie et avec la vraie de vraie tortue…).


Hans, cambrioleur de son état, était aussi un trekkeur aguerri. Ayant déjà parcouru l’Himalaya en trottinette, Hans était toujours à la recherche de nouveaux défis. Après avoir traversé le Sahara en rampant, l’océan Atlantique à la marche et l’Alaska en bermuda, Hans n’avait toujours pas pu trouver l’accomplissement ultime. C’est pourquoi il se tourna vers…


… le parc national de Penang. En fait, Hans avait deux choix : un trek au parc national de Penang ou bien un trek dans le bac à sable derrière chez lui. Cependant, les parents de Hans avaient été tués par des bacs à sable, ce qui marqua beaucoup son enfance. Hans avait donc développé une très grande phobie (des bacs (à sable)). Suite à de nombreuses séances chez le dentiste, Hans pu enfin guérir de sa phobie. Il en garde pourtant encore de grandes séquelles, incluant un sourcil plus long que l’autre, deux vertèbres sur le bras et une moustache sur le pied.


Il débuta alors sa marche, qui n’était pas si difficile que ça. Il y avait quelques côte raides, mais bon, il passait la majorité de son temps à courir. Quarante minutes plus tard, Hans était rendu à la plage. Pas de tortues à l’horizon, seulement un panneau signalant la présence de méduses, et quelques baigneurs discrets, qui, à son arrivée, coururent se réfugier derrière des rochers multicolores invisibles et transparents. Hans se mit alors en quête de trouver les tortues, sans lesquelles il ne serait pas ici. Après une courte marche sur le sable, il arriva à l’endroit où il était supposé les voir. Décevant. Un bac, rempli d’eau, contenant une ou deux tortues, était placé sur le sable.

Hans était triste, mais il ne pleura pas. Hans est un dur, un vrai, et les durs, ça ne pleure pas. Pourtant, deux grosses gouttes pendaient à ses cils. Intrigué, il leva la tête. Un immense nuage noir recouvrait le ciel, et le son de l’orage se faisait entendre. Après avoir trouvé un abri convenable, Hans pensait déjà à partir. Il ne voulait pas perdre de temps, voilà tout. Donc, c’est sans s’arrêter qu’il partit d’un pas de course vers le chemin du retour.

La pluie se heurtait durement sur le front de Hans, lui laissant de nombreuses cicatrices. Pourtant, il ne se décourageait pas. De nombreux abris se présentaient sur le sentier, qui lui permettait de s’arrêter de temps en temps. Ses gougounes glissaient sous ses pieds, et des vagues de boue s’abattaient sur ce pauvre Hans. Les nombreuses inégalités du terrain lui rendaient la vie difficile, il manquait de se fouler les chevilles à chaque pas, mais ça ne le dérangeait pas. Des chevilles, Hans en avait plein.




Tout à coup, Hans s’arrêta : une immense tortue lui bloquait le chemin. Hans n’avait jamais vu une tortue aussi immense, aussi imposante, aussi grosse.


« Allô », dit la tortue.

« Allô », répondit futilement Hans.

« Bonjour. »

« Bonjour. »

« Je suis une tortue. »

« Je suis Hans.»

« ... »

« ... »

« Il pleut. »

« Je sais. »

« Tu veux passer? »

« ...Oui. »

« Ah. »

« Voudrais-tu me laisser passer, gentille tortue? »



La tortue se tassa, intimidée par la voix dure de Hans (je vous l’avais dit que Hans était un dur). Ce dernier continua alors sa course contre la montre, même si une montre n’a même pas de jambes, et peut donc encore moins courir. Il pleuvait tellement que Hans avait maintenant l’impression de courir dans une cascade.
« Courage », se disait-il.


Et pour vraiment se donner du courage, Hans se mit à chanter. Tout son registre musical, allant de la chanson des Oumpa Loumpa au thème de Pokémon y passa. N’importe qui, qui aurait été là, l’aurait pris pour un fou, mais Hans était loin de l’être. Il aimait juste faire les gestes en même temps que de chanter.


Après avoir chanté tout son répertoire (ce qui ne dura pas longtemps, son répertoire se limitant qu’à deux chansons (mentionnées plus haut)), Hans se mit à courir plus vite, car il venait de découvrir qu’il avait faim. Sans son essence vitale, il était réduit à néant. Heureusement qu’il n’était plus très loin de l'entrée du parc, car des gargouillements étranges venant de son estomac se faisaient entendre.


Arrivé à destination, il se mit tout de suite en quête de nourriture. Malgré la boue qui lui recouvrait le corps, il entra dans le dépanneur situé à deux pas de l'entrée du parc.  Les rayons du magasin étant assez vides, il se choisit un paquet de chips au vinaigre, nourriture de loin la moins nourrissante. Ce n'était pas grave, il allait survivre (dans un état près du coma, mais vivant). Hans paya ses chips et les mangea.




P.S. En ce moment, Hans est toujours en recherche de nouveaux défis, certains faciles, comme Pénang, d’autres ardus, comme mettre à jour le blogue…










La fièvre du samedi soir

15 mai 2012

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Nous avons quitté Koh Lanta avec le ferry qui fait la navette entre cette ile et les autres petites iles de ce coin de la mer d'Andaman. Nous avions, en effet, choisi d’aller passer quelques jours à Koh Lipe, une minuscule ile reconnue pour ses plages paradisiaques et son côté un peu moins bétonné que certaines autres iles du même genre. 

Le voyage a été long et très loin d’être bucolique. La mer était houleuse, il pleuvait, le temps était gris souris et il faisait extrêmement chaud dans le ferry. Et, surtout, Michel a commencé à vraiment mal filer. Déjà, la veille, il ne se sentait pas très bien, mais là, il a commencé à se sentir extrêmement las et fiévreux avec un mal de tête intense qui ne partait pas. En arrivant à Koh Lipe, il avait littéralement l’air d’une loque humaine et s’est trainé, de peine et de misère, jusqu’au lit de notre bungalow pour s’y effondrer (lit qu’il ne quittera d’ailleurs que trois jours plus tard... pour un transit vers un autre lit!).
Après une nuit d’enfer, force nous fut de soupçonner que Michel avait attrapé la fièvre dengue pour laquelle il n’y a malheureusement pas grand chose à faire, à part se reposer, essayer de faire diminuer la fièvre, tenter de survivre à la douleur musculaire qui atteint tout le corps (sans compter les douleurs sur la peau) et espérer que ce ne soit pas la dengue hémorragique, potentiellement mortelle. Et vu que « l’hôpital » de Koh Lipe ressemblait plutôt au bureau de l’infirmière d’une école primaire et que nous étions plutôt loin d’un semblant de soins médicaux quelconques, nous avons prié (dans la mesure de nos croyances) pour que ce ne soit qu’une « simple » dengue.

Bon, si nous avions pu choisir un endroit pour qu’un de nous attrape la dengue, je peux vous certifier que nous aurions choisi, pour la personne malade, un autre endroit qu’une petite ile perdue avec des bungalows sans climatisation et au confort plus que sommaire (matelas dur comme de la roche, douche à l’eau froide, fourmis affectueuses…). Mais, pour les autres personnes « pas malades », c’était au contraire, parfait. Il y avait la mer émeraude, le sable fin, les vagues douces, des petits poissons mignons, un bébé kayak pour s’amuser, des coussins sur la plage, des fleurs luxuriantes et des oiseaux aux chants exotiques dans le jardin, des petits restaurants et des gens gentils avec qui jaser, comme ce couple de jeunes retraités baroudeurs, Véronique et Michel. Ceux-ci, qui avaient déjà eu la dengue aux Antilles, nous ont d’ailleurs un peu rassurés et surtout certifiés que Michel ne faisait pas semblant de souffrir pour se faire traiter aux petits oignons. La dengue, parait que c’est comme avoir toutes les maladies en même temps et que c’est un sacré mauvais moment à passer!


 
 
Notre séjour à Koh Lipe s’est donc déroulé entre les achats de paracétamol et de sels de réhydratation pour Michel et la grosse farniente sur la plage pour les enfants et moi. Il n’y avait vraiment pas grand-chose à faire sur cette ile qu’il est d’ailleurs possible de traverser de long en large en moins d’une heure! Nous avons cependant fait une petite excursion sur l’ile en face, Koh Anang, et sommes montés en haut d’une petite colline, nous donnant ainsi une vue superbe sur Koh Lipe. Sur cette ile presque déserte, les vagues étaient tout simplement parfaites et le sable ressemblait à du gros sel vraiment doux pour la peau. Nous avons alors passé des heures à nous faire agréablement rouler par les vagues tout en nous faisant exfolier doucement par le sable. Un vrai soin de la peau digne des meilleurs spas!


Cependant, comme tout cela n’était franchement pas très passionnant et confortable pour un malade et qu’après trois jours nous étions pleinement rassasiés de soleil et de sable, nous avons repris un bateau (et deux autobus) pour quitter la Thaïlande et enfin arriver en Malaisie (notre avant-dernier pays à visiter). C’est plus précisément à Georgetown que nous nous sommes posés après une grosse journée de transport et avec un Michel qui n’était alors plus que l’ombre de lui-même...



 
Annexe de Michel
Comment attraper la dengue en restant zen : un guide pratique et chronologique.

  1. Tout d'abord, prononcez «dingue», en insistant légèrement plus qu'à l'habitude sur le ng, un peu comme on le ferait dans le Sud de la France, ou dans un concours de mangeurs de biscuits soda.
  2. Émerveillez-vous devant le fait que c'en est ainsi car c'est un emprunt au swahili, plus précisément de l'expression ki denga pepo, «possession subite par un esprit maléfique». Remarquez au passage que l'emprunt s'est fait par le biais de l'américain. Réalisez que c'est la seule et dernière chose intéressante que vous retirerez de cette maladie. Comptez-vous chanceux d'être passionné de linguistique comparée. D'autres n'en retireront rien de bon.
  3. Louez une villa idyllique sur une île de Thaïlande à un jeune Écossais expatrié. Trouvez cela drôle quand ledit Écossais vous dit entre autres, lors de la remise des clefs : «En passant, je dis ça comme ça, mais faites attention car j'ai entendu dire que dans ce coin de l'île, on a recensé une dizaine de cas de dengue [combien d'entre vous s'imaginent la bouche pleine de biscuits soda en lisant mentalement ce mot?] l'an dernier. C'est peut-être plus, au fait, parce que ce ne sont que les cas recensés... Mais je dis ça comme ça, faut pas non plus être paranoïaque!» Souriez bêtement en vous attardant plutôt à son accent mignon.
  4. Faites connaissance avec des moustiques anophèles (Faites-moi confiance, un coup infecté, ce mot sonnera bien moins scientifique qu'avant. Vous serez peut-être même tentés de découvrir que anophèle vient du grec et signifie : qui ne sert pas, qui est nuisible, et, tant qu'à y être, que ce mot partage son étymologie avec le prénom Ophélie) de la famille des Aedes, rapides, légers, silencieux et indétectables à leur atterrissage sur la peau. Indétectables tout court.
  5. Parce que vous êtes écolo et que vous aimez vous régaler de chants d'oiseaux exotiques au petit matin, ayez l'idée parfaitement géniale de fermer la climatisation et d'ouvrir grand les fenêtres et la porte-patio de votre chambre durant la nuit. Faites fi du fait qu'il ne se trouve nulle part de moustiquaire puisque vous ne voyez pas de moustiques. Les moustiques indétectables, tsé.
  6. Dites aux enfants de se badigeonner de chasse-moustique ultra-efficace, équivalent à 55% de DEET mais sans les effets indésirables comme sa propension à faire fondre le plastique et à sentir le maudit, recommandé par l'Organisation mondiale de la santé parce que composé de picaridine à 20%, et importé en prévision de ce voyage dans l'illégalité (Santé Canada ne l'ayant pas approuvé), en creusant les plus profonds racoins du Web pour trouver un distributeur étasunien willing. Refusez de vous en enduire sous prétexte que, vous, vous faire barbouiller le corps de substance collante, c'est pas votre truc. Sauf peut-être... non, laissez faire.
  7. Les anophèles de la sympathique famille des Aedes piquent surtout le jour. Durant cette période, giflez-vous les mollets et les chevilles fréquemment, soit plusieurs minutes après que chaque anophèle indétectable quitte la pièce gorgé de sang. Chaque fois, cherchez et attendez-vous à trouver un corps détectable de moustique écrasé sur vos doigts ou sur le sol. Devant le spectacle immaculé de vos empreintes digitales comme des tuiles du plancher, faites semblant de croire que vous en avez eu au moins un et qu'ainsi l'honneur est sauf. Presque aussi fréquemment, tournez la tête brusquement dans un mouvement gyroscopique en apparence aléatoire, tout en scrutant inutilement les murs et l'air ambiant. Voyez une poussière flotter et tapez des mains en les projetant vers l'avant pour avoir l'air au-dessus de vos affaires. Essuyez vos mains comme s'il s'y trouvait un maringouin écrapouti avec pas encore de sang dedans. Arborez un regard triomphal en vous gardant bien de réfléchir au concept de dissonance cognitive.
  8. Insouciant, profitez de la vie balnéaire en vous trouvant donc ben hot d'avoir dégoté un tel endroit de rêve à prix budgétaire... Profitez-en pendant un bon dix jours, le temps que votre corps serve d'incubateur à un virus qui ne cherche qu'à se multiplier pour survivre... Profitez-en, ça ne durera pas.
  9. À terme, sentez-vous un peu tout croche. Choisissez ce moment pour vous taper un trajet déjà interminable et quasi insupportable pour un humain en pleine forme qui ne fourmille pas de Flavivirus DENV-X.
  10. Lors de ce trajet, dans ce qui vous semblera un fond de cale de bateau (parce que vous serez, en effet, enfermé dans le fond d'un bateau), développez peu à peu une fièvre et un abattement généralisé. N'oubliez pas de le faire tôt dans le trajet afin que les longues heures restantes puissent passer aussi lentement que possible.
  11. Arrivé à destination, marchez le plus vite possible pour vous rendre à votre chambre, soit d'un pas trois fois plus lent que d'habitude; rêvez d'un matelas comme le capitaine Haddock rêvait à une bouteille de champagne dans Le Crabe aux pinces d'or, mais sans étrangler personne; maintenez votre orgueil en insistant pour porter votre sac à dos sans aide quand on vous la propose.
  12. Écrasez-vous. Confortablement, si possible, car vous le serez dix jours durant.
  13. Prenez votre température. Prenez-la souvent pour être sûr, car elle variera sans raison et sans arrêt entre 37.9 et 39.5 degrés Celsius.
  14. Rendez-vous compte que le paracétamol et l'acétaminophène sont en fait la même molécule, mais selon que les pharmaceutiques aient une origine américaine, européenne ou asiatique, on lui donnera l'un ou l'autre nom. Rappelez-vous d'une lecture dans un guide de voyage québécois vous avertissant d'apporter suffisamment d'acétaminophène en Asie car on n'y trouvait que du paracétamol. Instantanément (immédiatement après avoir méprisé les auteurs du guide), arrêtez enfin de vous demander si l'un remplacera adéquatement l'autre. Ayez honte de ne le comprendre que maintenant, malgré l'âge que vous avez, les quatre enfants que vous avez élevés et soignés, votre diplôme en sciences et votre enseignement de celles-ci... Cherchez à vous réfugier dans votre nouvelle vocation de prof de français et sombrez de honte à nouveau en remarquant que même là, la racine acétam- aurait dû vous mettre la puce à l'oreille.
  15. Remarquez l'absence apparente d'effet des comprimés d'acétaminophène sur votre fièvre. Pour la forme, et pour vous chercher autre chose à faire qu'agoniser, remarquez l'absence apparent d'effet des comprimés de paracétamol sur votre fièvre.
  16. Songez que toutes vos fièvres et maux de têtes précédents ont pu être, au moins un peu, soulagés dans le passé. Demandez-vous ce qui se passe.
  17. Commencez à découvrir que votre dos vous fait souffrir.
  18. Comme vous vous connaissez bien, dites-vous que vous êtes douillet et tentez de vous convaincre d'arrêter de vous plaindre.
  19. Soyez incapable d'arrêter de vous plaindre.
  20. Souvenez-vous, pour le fun, des lectures faites au cours des derniers mois sur les diverses maladies tropicales et auto-diagnostiquez-vous-en une, de manière générale.
  21. Lisez, pour le pur plaisir de vous envoyer cette prose délicate et imagée, les sites de l'Organisation mondiale de la santé et du Center for Disease Control, sources intarissables de poésie contemporaine sur le thème de la fièvre dengue.
  22. Identifiez vos symptômes comme étant ceux d'un début de dengue : fièvre, maux de tête, douleur à l'arrière des yeux, fatigue... et séjour récent dans une zone infectée. Faites le lien avec les étapes 3) à 7). Trouvez-vous idiot. Remarquez que vous commencez à vous sentir trop faible pour vous trouver idiot.
  23. Cherchez vainement les alexandrins dans des phrases aux sonorités merveilleuses telles que : «Le virus de la dengue est le plus meurtrier de tous les virus transmis par des moustiques à travers le monde», «En l’absence de prise en charge médicale adaptée de la dengue hémorragique, un décès peut survenir dans les 8 à 24 heures» et bien entendu «In general, most people recover fully from dengue fever within a few weeks, but it can occasionally take several months. Recovery can be complicated by depression and fatigue».
  24. Repérez sur la carte le Koh Lipe Hospital et prévoyez vous y rendre le lendemain matin si les symptômes persistent.
  25. Passez une nuit à frissonner par trente degrés Celsius. Couvrez et découvrez-vous dans un ballet nocturne.
  26. Au matin, trainez-vous littéralement jusqu'à l'hôpital au potentiel salutaire, en espérant qu'on vous y soigne/soulage. Parcourez les cinq cents mètres qui vous en séparent en une très longue demi-heure, animé de l'espoir qu'une gentille infirmière vous y dorlote à l'arrivée. Découvrez que le terme «hôpital» est utilisé libéralement et qu'il s'agit plutôt d'un bureau d'infirmière. Écoutez cette dernière vous dire d'attendre une couple de jours pour voir si une nausée s'installe, dans lequel cas il s'agira probablement d'une fièvre dengue, dans lequel cas il faudra impérativement rejoindre le mainland, et un de ses hôpitaux, pour y être suivi. Observez que rien qu'à vous voir, le regard de l'infirmière semble dire : «T'as la dengue, mon p'tit gars. Attache ta tuque.»
  27. Demandez-vous à quoi cela a servi de vous être extirpé du lit. Ayez envie de vous coucher au sol, drette là. Remettez-vous à rêver à votre matelas.
  28. Marchez sous le soleil qui s'est levé assez haut pour vous assommer en redescendant.
  29. Gravissez votre matelas. Grâce à la douleur, découvrez ses ressorts. Grâce à la douleur, découvrez l'anatomie détaillée de votre bas du dos et de vos hanches. Prenez du paracétamol pour la forme.
  30. Muni d'une connexion qui fonctionne à pas de tortue dix minutes par heure, prenez des nouvelles du pays pour y trouver du réconfort. En suivant le printemps érable, sentez la sève monter en vous et faire éclater une autre poussée de fièvre.
  31. Réfléchissez au fait que le thermomètre est devenu votre meilleur ami. Tentez de cesser de lui parler.
  32. Comprenez ce que c'est vraiment que frissonner. Passez une demi-heure à trembler par secousses incontrôlables en crevant de chaleur et de froid en alternance. Puis une demi-heure en pleine conscience des terminaisons nerveuses de vos os et muscles, du dos jusqu'aux genoux. Puis une demi-heure à délirer dans votre sommeil. Répétez jusqu'à l'aube. N'oubliez pas de conserver fièvre et maux de tête en tout temps. Prenez des cachets de paracétamol aux quatre heures en vous raisonnant ainsi : ce serait pire sans. Faites semblant de croire que c'est possible.
  33. Levez-vous sans appétit, en cherchant la force pour vous rendre au petit coin.
  34. Contractez une nausée qui vous envahit jusqu'aux ongles. Confirmez le diagnostic. Surveillez les symptômes de dengue hémorragique, rare mais mortelle, caractérisée par des saignements internes et qui requiert une hospitalisation immédiate. (Sans vouloir vous gâcher le punch, ils ne viendront pas...)
  35. Perdez progressivement toute envie et tout besoin de vous nourrir et de vous hydrater.
  36. Apprenez à manger des sels de réhydratation à même le paquet.
  37. Faites des plans pour vous rapprocher du monde civilisé et de ses soins de santé. Répertoriez tous les hôpitaux de Georgetown en fonction de leur réputation en matière de maladies tropicales infectieuses et de leur distance de votre hôtel là-bas.
  38. Puisque vous ne mangez plus, forcez-vous pour boire et pour dormir un peu. N'arrêtez pas de souffrir tout de suite.
  39. Trop épuisé, ne dites plus un mot sauf pour maugréer qu'il vous manque de sels de réhydratation. Exigez ceux à saveur d'orange.
  40. Trouvez le courage de vous habiller pour prendre successivement deux bateaux, un minibus et un taxi pour sortir de l'île et vous rendre en ville. Réussissez par miracle à dormir un peu cependant.
  41. Lors du trajet, laissez vos enfants porter vos sacs. Vous n'avez plus d'orgueil. Vous êtes trop fatigué pour vous représenter mentalement le concept même d'orgueil.
  42. Écrasez-vous sur le prochain matelas que vous ne quitterez pas pendant cinq jours. Remarquez tout de suite sa configuration intéressante de ressorts.
  43. Pensez sérieusement à vous faire admettre à l'hôpital pour deux raisons : vous nourrir par soluté et vous fournir de la morphine. Renoncez à la simple idée d'avoir à quitter votre lit.
  44. Réjouissez-vous de ne pas avoir avisé votre mère de votre condition : imaginez d'avoir eu à lui dire jour après jour, pendant près d'une semaine, que votre état s'empirait...
  45. Constatez que votre fièvre a disparu tout d'un coup, comme le prévoyaient les poèmes sur Internet. Sentez-vous un peu mieux. Profitez des deux heures que cela durera pour prendre une douche.
  46. Les douleurs semblant avoir disparu, attendez l'éruption cutanée qu'Internet vous a promis, vous mentionnant au passage qu'elle variait énormément d'un individu à l'autre. Anticipez comme s'il s'agissait d'une surprise.
  47. N'attendez pas longtemps. Si vos paumes se sentaient comme si vous aviez des engelures le matin, la nuit les feront se sentir comme si on les avait écorchées vives. Évidemment, vous n'en dormirez pas.
  48. Demandez-vous quelle sorte d'éruption cutanée se propage des mains au reste du corps en restant indétectable à l’œil (sauf pour vos paumes qui sont rouge vif).
  49. Sentez l'écorchure à la grandeur du corps, exacerbée la nuit. Au lieu de dormir, amusez-vous plutôt à chercher une position confortable, donc qui implique que votre peau n'entre en contact avec aucune surface solide. Bonne chan.
  50. Remerciez la providence d'avoir épargné certaines zones sensibles de votre corps. Je parlais du visage. Bon, du reste aussi.
  51. Réalisez une fois sous l'eau que prendre une douche, ça brule. Partout. Que se sécher aussi.
  52. Voyez ces nouveaux symptômes s'estomper lentement. Remettez-vous à dormir un peu. Vous demeureront la fatigue extrême et le refus de votre corps de s'alimenter.
  53. Comptez que cela fait neuf jours que vous ne faites aucun véritable mouvement physique, et sept jours que vous n'avez pas consommé le moindre aliment. Pour passer le temps, dites-vous qu'une grève de la faim ne vous fait pas peur.
  54. Réveillez-vous un bon matin en ayant envie de manger des sushis. Et en ayant envie de sortir marcher un peu. Et en étant capable de parcourir un peu plus que la distance qui mène jusqu'à la salle de bains.
  55. Faites-vous aveugler par le soleil quand vous mettrez le pied dehors pour la première fois en près d'une semaine. Ayez l'impression de réapprendre à marcher, de flotter. Mangez un brin. Épuisez-vous rapidement. Percevez cette sortie comme si vous renaissiez.
  56. Renaissez. Mangez. Vous mettrez encore une bonne semaine pour retrouver une forme presque normale...
  57. Remerciez ceux qui vous ont laissé vous reposer, porté, abreuvé, nourri, et surtout, qui ont su profiter du temps en vous racontant, le soir venu, leurs histoires de la journée...
  58. Appelez votre mère.


Les poissons gigotent, les poissons barbotent...

14 mai 2012

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Il faisait chaud et beau ce matin-là, une bonne journée s’annonçait.  Il était tôt et pourtant nous étions tous les six, sur le bord de la route, en maillot de bain et badigeonnés de crème-solaire. Nous attendions l’arrivée d’un tuk-tuk qui nous amènerait jusqu’à un bateau qui nous promènerait autour de trois îles pour faire de la plongée en apnée.

En arrivant à la première île, nous avons eu quelques surprises même si ce n'était pas la première fois que nous faisions de l'apnée en Asie.

En effet, à peine sautés dans l’eau, des milliers de poissons nous ont entourés. Ils étaient tellement nombreux que nous ne pouvions même plus voir ce qu’il y avait autour de nous! De plus, ils étaient si proches que nous avions presque  peur de les frapper ou de les avaler en nageant. Ça nous faisait presque peur de les avoir si près de nous et en si grand nombre! C’était vraiment impressionnant!


C’était non seulement  une magnifique baignade rafraichissante à côté d’une île rocheuse dans une eau magnifiquement claire, mais c’était aussi très intéressant de regarder au-dessous  de nous les centaines d’espèces de poissons. La vie était si grouillante qu’il était difficile de tout voir ce qui bougeait. Je crois que le seul poisson que j’ai vu immobile c’était l’immense murène plus longue que la plus longue des anguilles (1 mètre de longueur environ) et plus grosse que le plus gros des serpents que j’ai vu dans ma vie (environ 15 centimètre de largeur). En fait j’étais rassurée de ne pas la voir bouger, car j’aurais eu peur qu’elle me morde! Mon poisson préféré, était un magnifique poisson bleu, blanc, noir et jaune et qui ressemblait à Doris, dans Némo. 

 
Doris
Malheureusement, tout plaisir a une fin et lorsque le « guide » nous rappela au  bateau, j’ai vraiment été déçue, car cela ne faisait que 15 minutes que nous étions là, et je n’avais même pas encore vu tous les poissons qu’il y avait!

Je n’étais tout de même pas trop fâchée de reprendre le bateau pour me chauffer sous les rayons du soleil, car je commençais à avoir froid. L’eau était peut-être superbe, mais elle était aussi vraiment froide! Il fallait tout de même laisser le temps au soleil de se lever, car il est vrai qu’il était encore tôt dans la matinée. 

La deuxième activité de la journée était la visite d’une grotte appelée la grotte d’émeraude. À un certain moment, j’ai pensé que nous verrions vraiment des émeraudes (alors que ce nom lui a été donné seulement pour la couleur de l’eau à l’intérieur du lagon) et je ne savais vraiment pas ce que nous ferions là. Je me disais que ce ne serait pas intéressant car nous avions déjà vu des dizaines de grottes à la baie de Cat Ba et j’aurais préféré faire plus d’apnée à la place. Finalement, c'était une très belle visite, et c’était plutôt joli. Nous devions nager dans la noirceur sur 100 mètres avant d’arriver dans un petit coin isolé du vent au beau milieu d’une montagne. On aurait dit que nous étions dans un volcan! De superbes plantes grimpaient sur les rochers, et plein de papillons voletaient autour!! La flore sur l’île était extraordinaire!


Je me suis demandé comment avait pu réagir le premier homme à pénétrer dans ce lagon. Moi, à sa place, j’aurais vécu là, avant qu'il y ait des centaines de touristes comme le jour où nous étions, dont des centaines d’asiatiques qui, ne sachant pas nager, avaient tous des gilets de sauvetage oranges fluo. Ils se tenaient tous par les épaules, bougeaient comme une chenille (d’où leur nom «d’hommes chenilles» que nous leur avons donné) et criaient au moindre bruit. Il faut dire qu’il n’y avait rien de rassurant à nager au beau milieu d’une grotte, dans le noir complet, avec rien à quoi s’accrocher si nous n’avions plus de forces dans les bras ou les jambes. 

Cela prit un bon moment avant d’arriver à la troisième île où nous allions manger. Au début, je n’avais pas faim, mais en arrivant, j’avais le ventre creux. On pouvait voir la plage où nous allions d’assez loin, car le sable était très blanc, et l’eau très bleue. De plus, puisque j’étais au-devant du bateau, je pouvais mieux voir les îles de loin.

Figure de proue
Sirène
Dire que les couleurs étaient encore bien plus belles «en vrai»...
Je ne savais pas du tout ce que nous allions manger, mais j’espérais que ce serait comme au Cambodge, c’est-à-dire que le guide sortirait son barbecue et ferait du poisson ou de la viande grillée. Malheureusement ce ne fût pas ainsi, les plats étaient tous préparés à l’avance et ils étaient froids, mais ils étaient tout de même bons. Il y avait, au menu, du poulet dans une tellement piquante que ça brûlait les lèvres, du poulet dans un curie et des légumes bouillis. 

Après le repas, nous sommes allés nous baigner dans l’eau réchauffée par le soleil et super transparente. Il y avait peu de poissons, mais j’ai tout de même pris un masque et un tuba pour pouvoir admirer les petits poissons très bien camouflés dans le sable.




Thomas a le souffle coupé par la beauté du paysage Olivier

Puisque la quatrième et dernière île où nous devions aller pour faire de l’apnée était fermée, (pour protéger la récolte de nid d'hirondelle) nous nous sommes arrêtés pas trop loin de la côte au beau milieu de magnifiques coraux de toutes les couleurs. C’était vraiment superbe, quoi que j’aie préféré la première sortie en apnée parce qu’il y avait beaucoup plus de poissons.


Le trajet du retour était assez long et ça doit nous avoir pris une bonne heure pour revenir au port de Koh Lanta. Thomas et moi étions installés en avant du bateau (sur la proue) et nous regardions de tous les côtés pour essayer de deviner où nous allions, car autour de nous il y avait plein d’îles qui pouvaient toutes être Koh Lanta.

 

C’était la plus belle journée de plongée du voyage parce que, même si c’était court, c’était tellement coloré, que nous avions l’impression que les poissons et les coraux étaient en plastique. Mon rêve est qu’au retour à la maison, je puisse avoir un aquarium de tous les poissons que l’on a vu aujourd’hui et surtout les poissons clowns avec leur anémone parce qu’ils sont les plus jolis.