Bon.
Cela m'a pris presque trois ans avant d'être capable de penser à écrire ce billet et, malgré le temps qui fait toujours un peu son œuvre, ça égratigne encore, dans un petit recoin.
La vie, des fois, elle nous ramasse.
Nous arrivons des heures plus tard à notre destination.
Denpasar. Grosse ville dans le nord de Bali. Pas du tout paradisiaque, mais ça, on le savait.
Et les iPod des enfants, et le couteau suisse d'Olivier.
Michel avait heureusement gardé sur lui nos passeports, l'argent et son appareil photo.
Comment dire.
Tellement qu'il dira maintenant qu'il ne se souvient plus des jours qui ont suivi.
Tout ce qui le tenait encore entier s'est désagrégé.
Des miettes de lui que je n'arrivais même plus à ramasser sur le trottoir d'Ubud.
Parce que c'était plus que des photos et des vidéos qui étaient perdues.
(...)
Nous sommes retournés à la gare d'autobus.
Nous sommes allés à la police.
Nous avons offert une récompense à des tas de gens.
Nous avons tenté de continuer malgré le chaos.
Combattre cette envie de rentrer tout de suite, là, maintenant.
Et celle, aussi puissante, de se rouler en boule dans notre lit et d'attendre que ça passe.
Respirer encore.
(...)
Michel n'allait pas.
Vraiment pas.
Sale quart d'heure.
Toute cette détresse.
Et cette impuissance à la soulager.
(...)
Si présents.
Ma mère, mon père.
Caroline et Fabyen et Mélanie.
François avec sa rationalité toute masculine.
Et ma sœur qui se proposait de venir me chercher, là, à Bali, maintenant.
Je le suis encore.
Et les enfants...
Témoins impuissants de notre fragilité et qui se sont regroupés.
Ils y étaient.
Ils ont été merveilleux.
Ils le sont encore.
La vie, pas toujours comme dans les films de Walt Disney.
(...)
Et, nous avons recommencé à respirer.
Nécessairement.
Un peu tout croche, un peu moins bien, mais respirer pareil.
Et, tout de même, nous étions à Bali.
Bel endroit s'il en est un.
Même si c'est pour s'y émietter.
Cela m'a pris presque trois ans avant d'être capable de penser à écrire ce billet et, malgré le temps qui fait toujours un peu son œuvre, ça égratigne encore, dans un petit recoin.
La vie, des fois, elle nous ramasse.
Puis, malgré cette non-envie de me replonger dans
les émotions de ce moment poche de ma vie, cette envie d'occulter, d'oublier,
de faire comme si ça n'avait jamais existé, je trouve aussi important d'en
parler et de partager. Parce que c'est bien beau l'idyllique et le conte de fées,
mais on le sait tous, c'est pas de même que ça marche pour vrai.
Nous sommes donc sur le bord d'une route
poussiéreuse d'un village laid et perdu d'Indonésie et nous attendons avec
notre pusher de bus, un autobus vers Bali. C'était comme faire de l'auto-stop,
mais avec un gars qui se fout en plein milieu de la route pour arrêter un
autocar. Étrange ambiance surréaliste.
Un premier autobus est arrêté et je monte à bord
pour vérifier si nous avons bien des places relativement confortables pour les
15 heures de trajet que nous devons nous taper vers Bali. Nous avons comme un
mauvais feeling mais c'est un peu tard pour reculer surtout que cela fait des
heures que nous attendons pour quitter cet endroit. Autobus dégingandé, pas de
place ensemble, pas de siège couchette alors que c'est ce que nous avions
payés. Je descends donc en disant que ça ne va pas.
Le bus repart et le gars n'est pas content du tout. Michel lui dit que nous voulons un remboursement et que nous irons à Bali d'une autre manière et avec un autre pusher de bus. Le gars ne veut rien savoir et nous dit que ça va être OK. Il hèle un second bus et j'y monte encore, il fait moins l'affaire que le premier. Notre pusher se met à gueuler avec le préposé de l'autobus, ils veulent faire déplacer des gens, je refuse et il me pousse littéralement en bas des marches pour que je descende plus vite et que l'autobus puisse partir. Bref, l'ambiance est tendue sur le bord de la route.
Le bus repart et le gars n'est pas content du tout. Michel lui dit que nous voulons un remboursement et que nous irons à Bali d'une autre manière et avec un autre pusher de bus. Le gars ne veut rien savoir et nous dit que ça va être OK. Il hèle un second bus et j'y monte encore, il fait moins l'affaire que le premier. Notre pusher se met à gueuler avec le préposé de l'autobus, ils veulent faire déplacer des gens, je refuse et il me pousse littéralement en bas des marches pour que je descende plus vite et que l'autobus puisse partir. Bref, l'ambiance est tendue sur le bord de la route.
Lorsque le troisième autobus s'arrête, c'est
relativement OK. Les gars se parlent en indonésien et nous nous installons deux
par deux. Nous sommes crevés. On se rappelle que nous nous étions levés à l'aurore pour
escalader un volcan et que la journée a vraiment été longue.
Le bus reprend sa route et nous nous endormons, épuisés.Nous arrivons des heures plus tard à notre destination.
Denpasar. Grosse ville dans le nord de Bali. Pas du tout paradisiaque, mais ça, on le savait.
C'est l'arrivée des autobus, trains et avions.
Plaque tournante pour ensuite aller explorer cette ile mythique.
Nous descendons et prenons un taxi pour aller à
45 minutes plus loin, dans le village d'Ubud. Pas encore de réservation, mais
des adresses pour nous loger.
Dans le taxi, Olivier se met à chercher son iPod dans son sac.
Il ne le trouve pas. Il doit bien l'avoir placé dans une autre de ses poches,
que je me dis. Et, là, j'ai comme un doute. J'ouvre alors mon sac à dos et j'en
sors des boites de jus qui ne m'appartenaient pas. Ces boites y avaient été
mises pour remplacer le poids de mon ordinateur que l'on m'avait volé.
Michel se met alors à regarder dans le sien. Son ordinateur aussi avait été
volé durant la nuit.Et les iPod des enfants, et le couteau suisse d'Olivier.
Michel avait heureusement gardé sur lui nos passeports, l'argent et son appareil photo.
Comment dire.
Nous
étions en voyage depuis presque 10 mois. Il
nous restait deux semaines à ce périple qui s'était déroulé sans
véritables
pépins. Nous étions indéniablement fatigués, mais aussi plus que ça. Un
épuisement mental de 10 mois de réflexion sur notre vie, notre couple,
nos
aspirations. 10 mois à remettre en question ce que nous voulions faire
au
retour, ensemble ou non. 10 mois où, loin du quotidien et avec du temps
pour
penser, pour réfléchir, nous avions reviré notre couple de bord. Des
nuits à jaser, des jours à penser, des prises de conscience après plus
de vingt ans à marcher sur le même sentier. Qui étions-nous maintenant?
Que voulions-nous pour la deuxième partie de notre vie? Comment
conjuguer les rêves de tout le monde?
C'était dense
dans notre tête et ce vol arrivait à un très mauvais moment (en existe-t-il un
bon?).
Parce que bon, nous avions des copies de nos photos,
mais pas dans un format de qualité et surtout nous n'avions pas de copies de
nos vidéos (enfin, oui, mais sur le deuxième ordi...). Parce que c'était lourd et long à envoyer sur un serveur externe.
Exit les centaines d'heures de vidéos de nos 10 mois de voyage. Dur pour
Michel qui est toujours si consciencieux avec ce genre de trucs. Puis, on s'est
senti tellement floué par le gars de l'autobus, coupables, pour la première fois en neuf mois et demi, de ne pas avoir gardé nos sacs près de nous. L'espace d'une nuit, nous avons baissé la garde. Des bleus!
Frustrant, humiliant.
Et, Michel déjà fragilisé par une quête
intérieure complexe a explosé en un millier de particules.
Éclaté.Tellement qu'il dira maintenant qu'il ne se souvient plus des jours qui ont suivi.
Tout ce qui le tenait encore entier s'est désagrégé.
Des miettes de lui que je n'arrivais même plus à ramasser sur le trottoir d'Ubud.
Parce que c'était plus que des photos et des vidéos qui étaient perdues.
(...)
Nous sommes retournés à la gare d'autobus.
Nous sommes allés à la police.
Nous avons offert une récompense à des tas de gens.
Nous avons tenté de continuer malgré le chaos.
Combattre cette envie de rentrer tout de suite, là, maintenant.
Et celle, aussi puissante, de se rouler en boule dans notre lit et d'attendre que ça passe.
Respirer encore.
(...)
Michel n'allait pas.
Vraiment pas.
Sale quart d'heure.
Toute cette détresse.
Et cette impuissance à la soulager.
(...)
Et, je ne le dirais sans doute jamais assez, mais
c'est à ce moment de ma vie que j'ai senti toute la richesse d'être si bien entourée.
Entourée par ma famille et mes amis qui via internet m'accompagnaient dans ce sale moment.Si présents.
Ma mère, mon père.
Caroline et Fabyen et Mélanie.
François avec sa rationalité toute masculine.
Et ma sœur qui se proposait de venir me chercher, là, à Bali, maintenant.
J'ai pu compter sur plus d'une main le nombre de
personnes qui seraient venues me serrer dans leurs bras.
Je me suis sentie riche.Je le suis encore.
Et les enfants...
Témoins impuissants de notre fragilité et qui se sont regroupés.
Sans comprendre nécessairement tous les enjeux, mais en sentant que ça
tournait un peu tout croche du côté des parents.
Pour la première fois de ma vie, c'est moi qui avais besoin qu'ils soient là
pour nous.Ils y étaient.
Ils ont été merveilleux.
Ils le sont encore.
La vie, pas toujours comme dans les films de Walt Disney.
(...)
Et, nous avons recommencé à respirer.
Nécessairement.
Un peu tout croche, un peu moins bien, mais respirer pareil.
Et, tout de même, nous étions à Bali.
Bel endroit s'il en est un.
Même si c'est pour s'y émietter.