Rapides et dangereux

25 août 2013

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Au pays des rapides et dangereux, les coussins gonflables sont prégonflés.


Neuf mois de voyage c'est déjà long, mais, quand vint le temps de commencer notre traversée de l'Indonésie, un début de découragement nous a pris de court. Nous étions bien conscients que c'était le dernier sprint final avant de  rentrer chez nous, mais l'épuisement accumulé au fil du temps nous laissait un peu perplexes face à ce nouveau pays à découvrir. Ça ressemblait presque à de la paresse culturelle. Faut avouer que nous étions un peu tannés de nous déplacer sans arrêt et que nous avions hâte de rentrer au bercail.
Néanmoins, nos attentes étaient grandes envers l'Indonésie et nous comptions fortement sur ce denier mois  pour voir de belles plages, découvrir des volcans, observer des orangs-outans, faire d'autres treks dans la jungle et apprécier toutes les différentes cultures de l'Indonésie.
C'est donc avec tous ces sentiments forts mitigés que nous avons atterri à Medan, la ville la plus importante de l'ile de Sumatra.
Medan n'est pas une belle ville, elle est même plutôt inintéressante, voire laide, moche, plate et sans attraits. C'est pour cela que nous avions planifié de nous'en éloigner le jour même de notre arrivée en avion. Mais, sortir de l'aéroport rapidement, comme prévu,  fut pratiquement impossible.  
En effet, l'Indonésie est beaucoup plus pauvre que la Malaisie. Nous avons donc été grandement étonnés (et un peu plus découragés) en revivant des moments semblables à ceux vécus au Népal. Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas fait aborder ainsi par des gens nous vantant leurs talents de chauffeurs de taxi ou essayant de nous vendre de supers tours organisés.  Même si nous étions un peu déstabilisés nous n'étions tout de même pas des pee-wee en la matière et nous nous sommes relativement aisément frayés un chemin dans cet aéroport agressant. Toutefois, nous trouver un transport pour nous rendre à la station d'autobus (se trouvant à dix kilomètres de là) sans avoir l'impression de se faire avoir fut une toute autre paire de manches. Nous avons fini par, quand même, trouver un taxi approprié pour nous mener jusqu'à la station.

Ce petit tour de voiture à travers la ville se passa sans encombre et nous arrivâmes à bon port peu de temps après. Malheureusement, des « flash-back » de la Birmanie nous revinrent à l'esprit dès que nous sommes rentrés dans le bus. Pas de climatisation, pas de ventilation, pas de place pour les jambes. En plus, ça sentait la pisse. Découragement total, surtout quand nous avons appris que le trajet allait durer plus de cinq heures!

Quête d'air frais dans un autobus-fourneau.
Après un voyage d'autobus horrible et suffocant,  nous avons pris le dernier traversier de justesse (en courant à toute vitesse pour arriver juste avant le départ du quai) pour nous rendre à notre destination finale: l'ile de Tuk Tuk en plein millieu du lac Toba (le plus grand lac volcanique du monde). Nous ne savions pas trop où dormir sur l'ile mais un des gars du bateau nous a proposé un endroit qui avait l'air bien. C'est donc en sachant que nous allions avoir une place pour dormir (toujours plus rassurant) que nous avons parlé avec d'autres voyageurs en attendant d'accoster sur l'île.

Exercices de préparation au sommeil sur le traversier.
Une fois sur place, nous avons pris possession de nos trois bungalows et avons soupé rapidement, en assistant à un petit spectacle de danses traditionnelles, avant d'aller nous coucher pour de bon.

Le lendemain, nous avons décidé de marcher un peu pour nous rendre à un petit restaurant recommandé par les guides touristiques et qui vendait supposément des gâteaux (au chocolat) que la femme du propriétaire cuisinait. Cette motivation fut amplement suffisante pour nous donner le goût d'aller nous promener sur la route perdue qui faisait le tour de l'île. Nous avons donc marché pendant deux kilomètres pour réaliser qu'il fallait réserver les gâteaux à l'avance et qu'il n'y en avait pas du tout pour nous. Un peu déçus, nous nous sommes consolés en achetant des gousses fraiches de vanille que la  propriétaire possédait par centaines dans un gros sac de plastique suspendu à un crochet dans sa cuisine.
Nous croyions bien être au bout de nos peines pour la journée, mais quelle ne fut pas notre surprise, sur le chemin du retour, de voir une étrange troupe s'avancer vers nous. C'était des centaines de jeunes étudiants qui se promenaient sur l'unique rue de l'ile à la recherche de bons touristes voulant bien leur accorder un peu de temps. Ils étaient, en effet, obligés, par leurs professeurs d'anglais, de se pratiquer à parler avec des gens, comme nous, appréciant la compagnie estudiantine et pouvant échanger en anglais. Le problème, c'est qu'étant hors saison, nous étions les seuls touristes sur leur chemin. Ils nous ont donc tous sauté dessus en un rien de temps!  Une chance que nous apprécions ce genre de rencontre et que nous étions six dans notre famille, car après deux heures de discussions avec plus de deux cents élèves nous commencions à avoir hâte de regagner nos petits bungalows. Il faut dire que les échanges avec eux étaient un peu limités, du genre: « Hello, where you come from?, What's your name? et le classique: What's the economic system of your country? ». Nous étions un peu écœurés à la fin de ces questions en rafales et des centaines de prises de photos de groupe. Le seul échange un peu plus intéressant auquel j'ai participé (outre la discussion avec une indonésienne géante qui voulait absolument savoir qui, de moi ou mon frère, ferait un meilleur mari pour elle) et qui m'a valu de nombreux regards perplexes (noirs?) fut lorsque l'on me demanda quelle était ma religion.
Pour tenter de comprendre la situation, essayez d'imaginer devoir expliquer à des gens ultra-croyants que vous, vous ne croyez en rien en particulier et que, selon vous, lorsque l'on meurt, on se décompose dans la terre et que tout finit comme ça car il n' a plus rien après! Il fallait être là pour voir le malaise s'installer dans les yeux de mes interlocuteurs et j'ai du patiner comme un pro pour changer de sujet après deux minutes de silence embarrassant.

Cours d'anglais: séance de photos.

Géante indonésienne en quête de mari accompagnée de la future belle-famille.

Bref, j'étais bien content de regagner ma chambre, après plusieurs heures sous le soleil ardent, à aider des jeunes à pratiquer leur anglais. En plus, je devais reprendre des forces, car je savais que c'était le lendemain que ça allait vraiment devenir excitant! Je dis excitant mais le mot était trop faible pour décrire mon état de nervosité. Évidemment, vous l'aurez deviné, nous allions de nouveau louer de superbes motocyclettes asiatiques pour partir à la découverte des environs et explorer un peu plus l'ile. Cela voulait surtout dire que j'allais conduire et avoir à nouveau le magnifique sentiment d'être libre et de filer comme le vent sur un scooter!

C'est donc tout fringants que nous avons déniché des motos en excellent état pour cinq personnes. Les deux petits allaient embarquer avec Maman tandis qu'Olivier et moi allions embarquer sur une autre motocyclette (Papa avait décidé de se reposer pour la journée). Une fois parés (casques et instructions de départ), nous partîmes à l'aventure. Notre objectif était de nous rendre aux sources thermales à deux heures de notre hotel et de longer la mer par la route qui serpente autour de l'ile. Et ce fut toute une aventure!
Pour que vous compreniez bien le contexte, vous devez savoir que les Indonésiens sont très très dangereux au volant. Ils le sont, d'ailleurs, nettement plus que n'importe quel autre peuple asiatique, selon moi. De plus, les routes sur l'ile n'avaient pas de véritables sens et étaient dans un état pitoyable. C'est donc complètement crispé sur mon scooter que j'ai passé ma première heure de conduite. À la fin, les motifs du guidon s'étaient même incrustés dans mes mains! Après plusieurs grosses peurs, quelques petits arrêts culturels, dont un dans une petite reconstruction de village traditionnel, et un peu d'égarement (évidemment), nous sommes finalement arrivés aux sources volcaniques qui étaient finalement pas mal décevantes. Ça ressemblait à un petit ruisseau sale avec beaucoup de cochonneries ce qui n'invitait pas vraiment à la baignade. Heureusement, il y avait, un peu plus loin, des petites piscines d'eau très chaude dans lesquelles nous pouvions nous baigner et qui, elles, étaient un peu plus attirantes. C'était vraiment chouette de pouvoir relaxer après un trajet aussi stressant et nous étions vraiment les seuls touristes un peu perdus dans ce coin.
Après avoir fait trempette pendant à peu près une heure, nous avons regagné tranquillement notre bercail en essayant, le plus possible, de ne causer aucun accident sur la route!

J'ai oublié de mentionner les magnifiques paysages que nous avons découverts sur notre route et qui étaient vraiment incroyables à voir. Chaque tournant de la route nous montrait un nouveau panorama digne d'une carte postale et juste le fait de les voir défiler à toute vitesse était magique.
Nous sommes revenus à notre hotel en coupant par le centre de l'ile et c'est les fesses endolories, la mémoire pleine d'images et nos corps remplis de sensations fortes que nous avons fini la journée.

De ce court séjour de trois jours, les bons petits repas au resto du coin (où nous dégustions d'excellentes guacamoles) et nos courtes baignades dans l'immense et gelé lac Toba  sont certainement ancrés comme de beaux petits moments dans ma mémoire.



Scènes autour du lac Toba.


C'est donc un peu moins découragés que nous avons quitté nos petits bungalows pour repartir à l'aventure et savourer notre dernier pays de notre périple.

Prochain arrêt: Berastagi!