L'os pital

4 févr. 2012

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Hans l’intrépide, le plus grand voleur de taille moyenne, s’apprêtait à faire son entrée. Il ne savait pas trop où il se trouvait, mais ses poches étaient vides. Pour Hans, s’en était presque humiliant. Sans argent, il se sentait tout nu, ce qui l’empêchait d’entrer dans la plupart des lieux publics. Oubliant sa gêne, Hans se promit d’entrer dans le premier établissement qu’il verrait et d’y voler toutes les richesses qui s’y trouvaient. Et cet établissement fut… l’hôpital municipal de Klaeng.

J’étais déjà allé dans cet hôpital pour prendre une prise de sang, mais je devais revenir le lendemain pour en reprendre une autre (nous devions vérifier si j’avais la fièvre dengue). En attendant ma deuxième prise de sang, le docteur m’avait alors dit de ne pas manger de substances laitières, rien manger de trop gras, rien de trop salé, rien de trop sucré. Bref, je ne pouvais pas manger grand-chose (du pain et de l’eau, comme en prison).

Bon, récapitulons. J’entrais alors dans l’hôpital, suivi de mon père, donnai mon petit papier de rendez-vous aux secrétaires, quand tout à coup, une infirmière (appelons-la infirmière #1) me regarda avec des yeux bizarres. Elle avait des cheveux noirs, elle était plutôt grande et avait la peau plus claire que la majorité des asiatiques (elle était assez jolie…). Elle s’avança vers moi, me demanda mon âge (dans un anglais incompréhensible), me fit peser et m’amena à une autre infirmière (infirmière #2), bref, des choses normales avant une prise de sang. Mais bon voilà, elle se faisait de plus en plus possessive, me tirait presque le bras pour m’amener voir d’autres infirmières. Je ne me posai pas trop de questions, en fait j’avais juste hâte d’aller me coucher. Enfin, une autre infirmière me dit d’attendre sur un banc, pour voir le docteur.

Infirmière #1 (dont nous avons parlé tout à l’heure) surgit alors de nulle part, me tendit un papier où était écrit : « I like you, do you like me ». Très surpris, et pour ne pas la blesser, j’écrivis sur le papier : « yes ». J’attendis sa réaction, mais elle n’avait pas l’air de réactionner. Elle alla alors voir Infirmière #2 pour lui demander ce que cela voulait dire. Caucus intense chez les infirmières, dont le nombre avait considérablement augmenté. Infirmière #2 m’appela et me dit:

«She likes you, she wants to date you.»
- Euh… O.k…
- What time?

Oups, je n’avais pas vu cela venir… je décidai alors de ne rien répondre. J’étais assez embarrassé, il faut dire.

- Where do you live?
- At Rock Garden Beach.

Elles n’avaient toujours pas l’air de comprendre… Infirmière #2 me dit alors :

- She is 21 years old. You are 13. Is it O.k?

Toujours dans le malaise, je dis que oui, ça ne me dérangeait pas. En fait, j’avais juste hâte de m’en aller et de manger quelque chose de consistant. Puis, en riant, elle me dit :

- You know, she’s not a real woman!

Quoi? Je savais qu’en Thaïlande, les ladyboys étaient fréquents, j’en avais déjà vu quelques uns à Bangkok, mais là…

Il faut dire que, si c’était vrai, c’était vraiment réussi. La plupart des ladyboys qu’on rencontre ont des traces de leur passé… masculin (sinon, on ne les distingue pas). Elle (ou devrai-je dire « il ») ressemblait à… une fille. Remarquez, c’était peut-être une blague qu’infirmière #2 faisait, nous ne le saurons sûrement jamais. Il faut dire que dans cet hôpital, il se passait des choses particulières car, tout de suite après cette (més)aventure, une femme s’avança sur une petite estrade et se mit à faire une petite danse ressemblant à du taï chi. S’il n’y avait pas eu de musique à ce moment, je n’aurais jamais deviné que c’était une danse. Encore plus étonnant, tout le monde dans la salle d’attente se leva et se mit à danser sur les mêmes gestes que la dame, pendant dix bonnes minutes. Un peu trop bizarre à mon goût. Disons qu’à la fin, j’étais bien content de quitter cet hôpital.

Sans plus attendre, Hans se précipita à l’extérieur de l’hôpital, courant à toutes jambes. Vous ne le savez peut-être pas, mais Hans a une phobie du taï chi, depuis que son frère est mort en exécutant cet art martial dangereux. Il n’avait toujours pas d’argent, mais il ignora sa nudité, tellement sa peur était grande. Jamais il ne s’était senti aussi menacé de toute sa vie de voleur.

Intermède

3 févr. 2012

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Nous avions prévu, à l'avance, un moment de repos après la Birmanie. Nous pensions bien (et les autres voyageurs au long cours nous l'ayant aussi conseillé) qu'après cinq mois sur la route, nous aurions bien besoin d'une pause pour recharger les batteries.

Ça tombait bien car nous avions un trois semaines de lousse entre la Birmanie et le Cambodge et les plages thaïlandaises étaient dans notre ligne de mire. Comme ma maman venait aussi nous rejoindre pour une semaine, nous cherchions doublement un endroit tranquille et reposant pour profiter de sa présence sans trop nous casser la tête, logistiquement parlant.

Après moult recherches, nous avons finalement trouvé une maison à louer, pas trop loin de Bangkok (ma mère devant y reprendre un avion quelques jours plus tard) et pas trop loin de la plage. Un truc tout confort qui allait radicalement trancher avec ce que nous avions connu depuis le début du voyage. Une maison avec cuisine complète et énorme réfrigérateur, laveuse ET sécheuse, internet, recyclage ET compost, gardiens à la porte et piscine à distance de marche. Le tout dans un genre de village de maisons pour riches retraités bedonnants. Pour être différent, c'était vraiment différent!

Oui, c'était vraiment là. On se sentait riches et bedonnants.


Mais ce fut une bonne idée, car nous avons commencé notre séjour avec quatre enfants malades. Pas un, pas deux, pas trois, mais bien quatre enfants avec de la fièvre, de la grande fatigue et des maux de tête. Si nous avions pu choisir un meilleur endroit pour soigner des malades, nous n'aurions pu mieux choisir! Nous en avons été quittes pour trois visites à l’hôpital qui se sont avérées franchement pittoresques, avec des infirmières portant fièrement la coiffe, des prises de température avec thermomètre sous le bras dans le hall d'entrée, une recommandation de ne pas manger d'aliments d'une certaine couleur (!) et un prix dérisoire pour une TONNE de médicaments que nous ne prendrons finalement pas. En effet, après deux-trois jours à ne rien faire, les enfants ont repris du poil de la bête et se sont remis à se chamailler gaiement!

Thermomètre au mercure sous le bras dans le hall d'entrée.

Nous avons véritablement profité de notre pause pour ne rien faire, à part aller à la plage, à la piscine, au village faire des courses, puis aller au restaurant, le midi, quand ma maman était avec nous. Ce fut surtout un temps d'orgie de repas maison où nous avons pu cuisiner des tonnes de pâtes, des salades, des gâteaux, des soupes, des toasts au beurre d'arachide, confiture, Nutella, des sandwiches aux œufs, des salades de thon, des crevettes, des crêpes à satiété... c'est pas mêlant, les enfants ne voulaient plus rien savoir d'aller manger dans un restaurant.

À la plage...
... à...
... la...

... piscine...

... au village faire des courses (dans la SardiBrillon-mobile)...
... et au resto!


Nous avons regardé des films, lu des livres, fait la grasse matinée et fait travailler un peu les enfants. Nos amis suisses rencontrés à Vientiane (et revus à Champasak) étaient aussi dans le coin. Nous en avons profité pour faire deux journées d'apnée avec eux et quelques soupers. Les enfants étaient vraiment contents de se retrouver et de rejouer ensemble.

Photo agace.




Bref, un séjour de farniente dans une bulle dorée. Nous nous sentions presque chez nous et nous sommes donnés le droit de ne rien faire, sans trop culpabiliser.

Des vacances, en quelque sorte.