...et des orangs-outangs

18 janv. 2014

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La mode des leg warmers origine du Nord de Sumatra.


Le Nord de Sumatra est une des dernières régions du monde où il est éventuellement possible de voir encore des orangs-outangs en liberté. Très conscients de l'attrait touristique de la bête, les Indonésiens ont créé un centre d'observation où les orangs-outangs « sauvages » sont nourris tous les jours afin que les touristes chinois puissent prendre des bonnes photos à partir d'une passerelle en bois (petite marche d'une heure à partir du stationnement).

Naturellement, ce n'était pas trop notre genre, mais nous avions cependant bien envie de voir des orangs-outangs… tant qu'à être perdu dans le nord du bout du monde! L'autre solution (moins facile et plus sportive) résidait alors à vraiment aller se perdre dans la jungle et espérer être un peu chanceux.

Mais, pour se perdre dans la jungle, encore faut-il s'y rendre! Et ça, c'est souvent tout un chemin de croix. À partir de Berastagi et de la grosse statue en forme de chou nous avons pris un autobus tape-cul, un autre autobus encore plus tape-cul, un genre de taxi-bus tape-cul bringuebalant et vomissant sur des routes en serpentins pour finalement arriver, seize heures plus tard, dans un trou. Un vrai. Ketambe (c'est le nom de la place).


Câlleur d'autobus à la station centrale.


Une rue perdue, un restaurant désert au centre d'un jardin luxuriant (cacaotiers et singes à profusion), des cabanes de bois le long d'une rivière (la section motel) et un parc national immense tout juste l'autre bord de la rue. Dans le gite, des hamacs, des bambins qui jouent (l'Indonésie regorge d'enfants) et un super guide qui nous attendait. Départ dès le lendemain pour un petit trek de deux jours et d'une nuit, dans la jungle. Un genre de forfait tout inclus avec des porteurs (jeunes hommes torse nu), des bâches faisant office de tentes et de la nourriture pour le campement en pleine nature ainsi que des guêtres pour éviter les éventuelles sangsues (naturellement, il faut avoir des guêtres pour ne voir aucune sangsue!)


Restaurant au bord de la jungle.


Après une nuit bercée (!) par le son des grenouilles, nous étions tous prêts, de bon matin, à partir à la chasse aux orangs-outangs. Nous nous étions cependant préparés psychologiquement. La nature, ce n'est pas un zoo, et les animaux ne sont pas toujours au rendez-vous. On tente donc sa chance à chaque fois et il faut être prêt à revenir bredouille.



Honnêtement, il n'y a rien qui ressemble plus à une jungle... qu'une autre jungle. Depuis la Chine, nous en étions à plus d'une quinzaine de treks à marcher sous les lianes et, la plupart du temps, sous une chaleur accablante. Même s'il n'y a pas de soleil direct à travers les feuillages c'est l'humidité intense qui fait transpirer par tous les pores de la peau possibles. Cette fois-ci, le trek était plutôt facile sans dénivelé important et sans rocher à escalader. Un sentier relativement dégagé qui serpentait entre une végétation incroyable, des petites rivières et des sons uniques, constants et stridents en toile sonore. Notre guide (qui arpente cette jungle depuis son enfance) était vraiment gentil et surtout très compétent. À un certain moment, il a entendu un son au loin, a sorti sa machette et nous a fait signe de le suivre. Nous avons posé nos sacs au milieu du sentier et avons suivi, nous aussi, l'appel de la forêt pour une heure de marche sportive (du genre Rambo) dans un chemin de traverse ouvert à la machette indonésienne, notre guide s'arrêtant régulièrement pour tendre l'oreille. Rendu au pied d'un arbre, il nous a tendu le doigt pour nous montrer un gibbon noir, objet de sa quête, assez rare à voir durant le jour, parait-il.


«rien qui ressemble plus à une jungle... qu'une autre jungle»



La particularité de ce trek était vraiment le rythme presque indolent de la marche. Nous étions dans un trek assez court et n'avions pas beaucoup de kilomètres à parcourir pour arriver au bivouac. C'était avant tout une marche axée sur l'observation de la nature et ponctuée de pauses pour regarder autour de nous (et surtout en haut de nous), sentir, écouter. Fascinés, les enfants ont joué avec des fourmis géantes (pourquoi voir des orangs-outangs quand il y a des si chouettes bibittes), avec des cloportes géants qui se roulaient et ont enfin joué à Tarzan en se pendant après une vraie de vraie liane au-dessus d'un précipice (glurp).


Oui, c'est gros, une fourmi géante.


Oui. Un cloporte géant.

Maman riait moins de la voir au dessus du précipice.

L'argument du guide: cette liane est utilisée depuis des années et elle n'a jamais rompu! Rassurant.


C'est véritablement le nez dans les airs que nous avons continué notre marche. Les arbres étaient tellement immenses et nous recherchions des boules de poils orange qui se tiendraient à leur cime. L'orang-outang (littéralement homme des arbres) n'a aucun prédateur dans les parages. Au fait, le seul prédateur de l'orang-outang, c'est l'homme qui déboise sauvagement ce coin du parc. D'ailleurs, nous entendions régulièrement le bruit des scies à chaines et le craquement intense des arbres qui tombaient, coupés pas loin de l'endroit où nous étions. C'était réellement impressionnant! Notre guide, tristement, nous raconta que le gouvernement était en train de déboiser dans son propre parc national, contre l'avis de la population locale, pour construire des chalets pour les touristes aisés. Nous sentions vraiment que nous étions dans un endroit du monde qui n'existerait plus dans quelques mois et qui serait alors totalement dénaturé... un peu à cause de nous aussi.
Avant d'arriver à notre campement nous avons eu la chance de voir un immense calao (hornbill), genre d'oiseau préhistorique au bec incroyabable que nous avions vu au Bird Park de Kuala Lumpur. Le voir en liberté dans toute sa splendeur, les ailes bien déployées, était de toute beauté.  

Nous sommes arrivés sur le lieu du campement peu longtemps après (un ensemble de roches plates sur le bord d'un ruisseau en cascade, hyper bucolique), avons posé nos sacs et sommes repartis, le nez dans les airs, à la recherche de notre proie.



Sur un ensemble de roches plates, campement traditionnel de Sumatra.


Moins d'une heure après avoir quitté le site, nous apercevions nos premiers orangs-outangs. Un jeune mâle en train de se faire un nid pour la nuit à la manière du Marsupilami, en pliant d'immenses feuilles ce qui résonnait dans toute la jungle.

Nous l'avons observé un peu avant de revenir au campement. La rivière nous attirait et nous nous sommes baignés avec les guides. Ceux-ci ont montré aux enfants comment attraper des écrevisses et comment les manger vivantes après leur avoir arraché la tête. Miam ? Je ne sais pas trop au fait, je n'avais pas assez faim pour y gouter!

Baignade peinarde.

Maitre-pêcheur d'écrevisses, fan de Michael Jackson, et son émule.

L'art d'affuter une lame enseigné aux enfants.



Repas communautaire sous le regard moqueur de tas de singes juste en face de nous et ensuite dodo dehors sous une toile avec le bercement de la rivière et les sons de la jungle pour nous endormir.




Réveil aux aurores et douche dans la rivière avec toujours une troupe de singes qui semblaient bien se moquer de nous. Nous sommes repartis pour une marche d'observation, le cou cassé et le nez en l'air.

Et, nous avons été incroyablement chanceux. Vingt minutes après nous être éloignés de la rivière, nous avons aperçu une grosse boule de poil orange (orange dans le genre Youppi) suivi par deux autres plus petites touffes de poils. Nous nous sommes arrêtés et nous sommes accroupis sous les feuillages. C'est une mère, son bébé et un adolescent qui sont tranquillement descendus des cieux pour nous observer. Ils semblaient aussi fascinés par nous que nous par eux. La mère s'est installée sur une branche à moins de quinze mètres de nous, bientôt rejointe par son petit et par l'autre jeune. C'était un moment indescriptible. Le guide filmait et nous on braillait littéralement d'émotion. Ils étaient tellement proches et tellement... humains. La mère a, à un certain moment, tendu son bras pour attraper son petit qui n'arrivait pas à se balancer assez pour venir la rejoindre. Il criait et c'est dans un geste universellement maternel qu'elle est allée l'agripper pour le placer près d'elle. Honnêtement, ce fut sans doute le moment le plus animalement émouvant de ma vie. Nous étions tous sous le charme, même le guide qui, parait-il, avait rarement vu d'orangs-outangs d'aussi près et surtout aussi longtemps. Nous sommes restés presque dix minutes en observation mutuelle avant que la maman décide d'aller voir ailleurs si des trucs pouvaient bien se manger. Elle est donc repartie tranquillement avec son petit sous le bras et l'ado qui suivait en faisant des galipettes.

Youppi!

Galipettes.

Nous sommes retournés, encore sous le choc de cette rencontre, à notre campement et avons commencé tranquillement à démonter les affaires pour retourner vers le village. Thomas a joué une bonne partie du temps à l'homme des cavernes qui vient de découvrir le feu et nous nous sommes rebaignés un peu avant de partir pour un deux-trois heures de marche peinarde dans la jungle vers la route menant au «village».

Homme des cavernes de Dorion apprivoisant le feu.

Animaux de compagnie près du campement.



Le lendemain, nous avons repris un transport du type «mini-van ouverte» vers l'aéroport du coin. Petit trajet de quelques heures à travers des villages remplis d'enfants. Je n'avais jamais vu autant de petits trainer dans les rues de tout notre voyage en Asie. Notre guide nous expliqua que comme il n'y avait pas, en Indonésie, de régime de retraite ou de pension pour les personnes âgés, il fallait donc faire beaucoup d'enfants pour assurer ses vieux jours.

Petit arrêt dans un marché le temps d'acheter des machettes de guides indonésiens qui faisaient baver d'envie Thomas, puis arrivée à l'aéroport d'où nous devions prendre un avion vers Medan. «Aéroport» est un très gros mot puisqu'il s'agissait surtout d'un bâtiment de deux pièces sans vraiment d'employés visibles et avec une minuscule piste d'atterissage. Notre avion de douze places ressemblait à un avion Playmobil et c'est pas trop trop rassurés que nous nous sommes embarqués pour un vol d'une heure survolant de près la jungle sumatrienne. Bucolique à souhait sauf pour Catherine, blanche comme un drap.

L'arrière de l'aéroport: le département du soutien technique est mobilisé pour l'atterrissage de notre avion.

L'avant de l'aéroport: un taxi est toujours prêt à accueillir les voyageurs.

Bonhommes Playmobil s'apprêtant à s'envoler. Absence remarquée de Stephen H.

Catherine, quand elle est blanche.
Mais, tout cela valait vraiment le coup. Notre moment dans la jungle avec les orangs-outangs est encore dans notre top dix de nos meilleurs souvenirs de voyage!
Comme quoi il y a des chemins de croix qui méritent d'être parcourus!