Dix...

29 sept. 2011

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Kuymi -- Naya Pul -- Pokhara

C'est la dernière journée de notre trek que nous entamons et ça sent véritablement la fin. Le soleil est bien présent (pff et re-pff), il fait chaud et nous traversons enfin de véritables villages, c’est-à-dire autre chose que des petits tas de lodges pour les trekkeurs. La marche est facile, toute en descente douce. Une chance, car, après nos deux journées de marche de plus de huit heures, nous commençons à sentir nos genoux, nos orteils, notre dos, nos cuisses, nos mollets, alouette! 

Retour donc, quatre heures de marche plus tard, à la case départ de ce trek, soit la bourgade embourbée et grouillante de Naya Pul. On croise en souriant, un brin compatissant, des trekkeurs proprets qui en sont à leur premier jour de marche. On se sent l'âme expérimentée de vieux montagnards, tout d'un coup.

Notre transport vers Pokhara nous attend et la douche chaude n'est qu'à deux heures de route défoncée (pour la première fois de sa vie, Olivier, blanc comme un drap, manque de vomir en voiture).

Pendant dix jours, nous avons fantasmé sur la pizza «presque aussi bonne qu'en Italie» que nous avions mangée dans un restaurant de la ville, avant de partir. Pizza ce sera donc ce soir, lors de notre souper débriefing de notre expérience de marche. Avec une bière froide, aubergiste!

En déambulant dans les rues de la ville, nous sommes contents de recroiser Erik et Eva qui, franchement, nous ont donné le goût d'aller faire un tour en Hollande. On échange nos adresses de courriel et on espère que la vie nous donnera l'occasion de les revoir.

Épuisés, fiers, contents, soulagés aussi... parce que, on a beau faire nos frais, c'est un peu stressant pour des parents, ce genre de truc. Disons que c'est la première fois que nous étions aussi loin de secours médicaux tout en faisant des trucs relativement propices à un paquet de malaises/blessures/chutes.



Chaque phrase commençant par un «j'ai mal au ventre» nous faisait imaginer le pire. Nicolas a passé une partie du trek à ne pas trop bien se sentir et à courir les toilettes (il était le porteur officiel de papier Q), Catherine avait mal à la tête en altitude, Olivier a eu mal au bras et s'est coupé le doigt... il n'y a que Thomas qui s'est toujours senti en parfaite santé. Je suis encore relativement surprise que personne ne se soit cassé ou foulé un membre et que les chutes n'aient apporté que des contusions mineures (au fait, je suis celle qui est tombée le plus souvent!)

Là, on souffle un peu et on digère le tout!

Neuf

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Dobhan-Kyumi 
 
On se lève après, enfin, une première nuit où nous n'avons pas trop gelé et même bien dormi! Il fait encore gris et il pleuvote encore un peu… décidément, on ne s'en sortira pas de ce crachin. Nous sommes d'autant plus contents d'avoir décidé de ne pas rester un jour de plus au sommet. Avant de quitter Dobhan, Olivier a la bonne idée de se couper le doigt en gossant avec son Opinel sur son bout de bambou, question (sans doute) de s'assurer de garder, toute sa vie, un souvenir du Népal inscrit à même sa peau. Donc, petite opération pansement avant de prendre la route, les Hollandais, à qui nous donnons rendez-vous un peu plus loin sur le sentier, nous devançant de peu.

Nous prévoyons une autre grosse journée de marche car nous avons de plus en plus hâte de rentrer et cette envie nous donne des ailes. Nous voulons vraiment atteindre Kyumi pour être le plus tôt possible à Pokhara, demain. Les enfants sont les plus motivés et rien ne semble à leur épreuve. De plus, notre super Sherpa Dawa national connait une mignonne guest house à Kyumi. Nous marchons dans un premier temps jusqu'à Chomrong pour reprendre les quelques effets que nous y avions laissé à l'aller. Les milliers de marches que nous devons monter avant d'arriver dans le village, sous notre pluie quotidienne, nous épuisent. C'est fou les marches ici. Elles montent en ligne presque droite, pas de serpentins, pas de petites courbes pour se reposer. Je comprends tellement pourquoi les britanniques recrutent, au Népal, un corps de soldats d'élite (les Ghorkas)! Je suis estomaquée à chaque fois que je croise des porteurs avec des poutres monumentales sur le dos, des lits, des chargements de bouteilles, des barres de fer, de sacs de provisions... avec des petites sandales ou des simples bottes de pluie sans ralentir le rythme, et ce, même en altitude.

Je suis aussi impressionnée de constater tout le chemin que nous avons parcouru à l'aller. J'ai de la difficulté à croire que nous, (je, surtout), avons vraiment fait ça. Je me demande où nous avons trouvé l'énergie et la motivation pour gravir ces marches, inlassablement.


 Nous rejoignons aussi à Chhomrong Erik et Eva (nos fameux super gentils Hollandais) devant un excellent gâteau au chocolat (chose peu commune dans la cuisine népalaise) et, malgré la pluie qui continue de tomber et les marches qu'il nous reste encore à gravir, nous continuons notre route. 



C'est loin en «ta», mais le soleil apparait finalement en fin de journée (juste au moment ou nous allions décider d'abandonner le projet de nous rendre jusqu'à Kyumi!) et nous continuons courageusement notre route pour arriver dans une charmante auberge, tout juste avant la tombée de la nuit. Ce fut probablement la journée la plus stressante de tout notre trek, car, après la montée de Chhomrong, tout était en descente à pic d'enfer. Je suis tombée trois fois (dont une fois dans un fossé, cul par-dessus tête), et Michel m'a sauvé la vie au moins quatre fois en me tenant la main dans les endroits stratégiques. Les ruisseaux débordaient et nous avions les pieds moites une bonne partie du parcours. Je vous laisse imaginer l'odeur de nos souliers! Les enfants, à la fin de la journée, comparaient entre eux la couleur de leurs orteils et le degré de flétrissement de leurs pieds, c'est tout dire!
Au fait, nous n'aurions jamais osé allé aussi loin sans Super Sherpa Dawa. Moins de cinq minutes après notre arrivée, la nuit tombait et, franchement, marcher dans la jungle, de nuit, sur des sentiers instables, ça n'a absolument rien de bucolique. Je n'étais cependant pas trop inquiète pour les enfants, qui marchaient devant, car Dawa était avec eux. Super prévenant, il s'assurait toujours que les enfants traversent les pierres glissantes des ravins sans problème. Au fait, il était devant quand nous étions derrière et derrière quand nous étions devant, puis accourait dès qu'un obstacle se présentait. Super Sherpa, vous l'ai-je dit?



Un baume en arrivant à Kyumi où nous avons eu droit à des airs et commentaires admiratifs des propriétaires en apprenant que nous marchions depuis Dobhan. Venant d'authentiques Népalais, nous n'étions pas peu fiers de nous! Épuisés, mais fiers!
Pousser plus loin pour atterrir dans cette guest house était vraiment une bonne idée. Outre le fait d'avoir deux heures de moins de route à faire le lendemain, le repas était vraiment excellent (avec présentation gastronomique) et nous étions les seuls clients sous la tonnelle fleurie de la cour intérieure. Le lendemain, nous avons même pu observer (aux jumelles) des singes se promenant sur la paroi rocheuse, de l'autre côté de la rivière.
Le seul hic fut la disparition de mon chandail chaud qui tentait de sécher (vainement) sur une chaise à l'extérieur (Dawa avait pris soin de rentrer tous les autres morceaux de vêtements mais mon chandail était caché par la pénombre). J'espère simplement qu'il réchauffe maintenant quelqu'un qui en a plus besoin que moi.
C'était aussi le royaume des insectes... et j'étais bien fière de ma fille qui n'a, presque, pas eu peur de l'immense araignée qui trônait sur le mur de la chambre des enfants...



On reconnait ici une des bêtes (la plus petite des deux araignées présente cette nuit-là dans la chambre) qui a donné des cauchemars à Catherine. On reconnait aussi l'auto-incision qu'Olivier s'est prodiguée, enveloppée du bandage scout que son père lui a tricoté.


Huit

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MBC-ABC (Annapurna Base Camp)-Dobhan


Nous avions bien raison d'être inquiets, le temps est dégueu. Notre plan pour voir le soleil se lever est littéralement à l'eau. Nous déjeunons en nous demandant bien ce que nous allons faire et en scrutant le ciel à toutes les cinq minutes. Le sanctuaire se trouve à deux heures de marche (aller) à près de 4130 mètres et le temps est toujours aussi moche. Après tergiversations, on décide d'y aller pareil. Et, on se rend à ce fameux camp de base, le but ultime de toute cette aventure. Nous sommes au cœur des Annapurnas et c'est tout de même beau si on évite de penser à ce que ça pourrait être par temps dégagé. Ça donne des allures féériques sous le brouillard mais ce n'est pas tout à fait ça que c'est censé donner. Nous sommes un peu tristes car c'est tout de même un peu crève-cœur, et nous pensons, peut-être, rester une autre nuit pour donner une chance au temps de se dégager. Mais, l'idée de passer une autre demi-journée à nous tourner les pouces à l'auberge et une nuit à geler comme des rats ne nous enchante guère. Nous n'avons toujours pas de vêtements véritablement secs (malgré les efforts intenses de Michel et de Dawa, les préposés au séchage) et à dire vrai, on commence à être un peu tannés d'être sur la route. On est gelés, mouillés et sales depuis des jours. Parce que, les douches froides, après une journée de pluie, ce n'est pas trop trop vendeur!
De plus, la marche sous la pluie nous oblige à regarder nos pieds presque en continu et on manque de se casser la gueule plusieurs fois par jour. Les nuits sont dures car les lodges sur la route sont très très rudimentaires. Par beau temps, ce ne serait pas un problème mais avec un temps de pluie, c'est assez difficile. Les draps sont tellement humides que les enfants pensaient que les lits étaient mouillés et l'odeur de moisi et de boules à mites est un peu étouffante. Au fait, ce qui est dur, c'est de passer une longue journée à marcher, gelés et transis, et d'arriver dans un endroit où il n'est pas possible de se sécher ou de se réchauffer. Des conditions de confort minimalistes, après huit jours, nous avons beau être pas trop regardants... ce n'est pas le nirvana.


Après réflexion, nous en venons donc à la conclusion que nous avons pas mal fait le tour de notre expérience de trekking et que nous avons hâte de passer à autre chose. De plus, avec la poisse que nous avons depuis le début, qui nous dit qu'il fera vraiment beau demain matin? Tout cela fait que l'on décide de mettre les voiles immédiatement et de commencer rapidement notre descente vers la civilisation.
Et, quelle descente ce sera! Sous la pluie et dans la gadoue, on se tape plus de quatre heures de marche, sans compter les trois de ce matin pour aller et revenir du sanctuaire. Nous avons les pieds mouillés par les dizaines de torrents en crue que nous devons franchir. Nous tombons plusieurs fois et c'est complètement claqués que nous atteignons Dobhan pour y passer la nuit. Nous y sommes aussitôt rejoints par nos amis Hollandais qui ont aussi décidé de rentrer au bercail. On se paye un gros souper, on fait sécher nos souliers sur le bord de la chaufferette et nous buvons de l'excellent rhum népalais qui nous réchauffe un peu. Ouf!

Sept

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Dobhan-MBC (Macchapuchhre Base Camp)

Nous quittons Dobhan pour notre dernier grand segment de marche avant notre arrivée au camp de base. Aujourd'hui, nous allons grimper à 3700 mètres pour nous rendre au camp de base du Machhaphuchhare. Au fait, ce n'est pas vraiment un camp de base puisque le Machhaphuchhare est une montagne sacrée pour les népalais et qu'il y est interdit d'y monter.


La route est superbe et traverse une vallée digne des images que je me fais de la préhistoire (pour ceux qui ont lu Les enfants de la terre, la vallée, c'est exactement ça). Nous voyons un immense morceau de glace tombé lors d'une avalanche en novembre dernier. Les enfants s'amusent à grimper dessus et je tombe sur une plaque de glace. Faut le faire tout de même, glisser sur de la glace en pleine région tropicale! Je suis bonne pour un bon bleu sur une fesse et pour un orgueil de québécoise un peu meurtri.


Nous avons, pendant quelques temps, un temps relativement dégagé et nous avons presque de l'espoir d'avoir une belle vue pour la fin de notre trek. Ce fut bref car, malheureusement, le brouillard se lève soudainement et la pluie se met à tomber à verse. On est un peu découragés, car l'espoir de voir enfin le massif des Annapurnas se réduit comme une peau de chagrin. Et, c'était tout de même le but de cette expédition (appelons ça comme ça) en montagne.

Nuit vraiment dure malgré une belle soirée avec un très charmant couple de Hollandais qui partage notre infortune. On gèle littéralement et on ne dort presque pas avec le bruit de l'orage et la pluie qui tombe jusque dans la chambre. Je passe la nuit à imaginer des glissements de terrain (on en a vu des tonnes sur la route) et à espérer que la pluie daigne cesser avant l'aurore. Nous avons, en effet, prévu de partir vers cinq heures du matin pour aller voir le soleil se lever sur les montagnes au ABC.

Six

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Chhomrong-Dobhan

Ce matin, c'est tout le flanc de l'Annapurna qui nous salue dès le réveil. Le ciel semble être au bleu et le soleil devrait finir par pointer le bout de son nez. 





On embraye rapidement sur l'opération séchage des vêtements. Une partie ira sur la corde, une autre devant un chauffage d'appoint (jusqu'au moment où la peinture des chaises se mets à décoller) et une dernière sur le bord d'un feu dans une petite cabane. Dans cette région protégée, il est formellement interdit de faire des feux de bois mais une bonne partie de la population semble s'être construit des petites cabanes derrière les maisons pour continuer de sécher des trucs et de cuire des aliments. C'était très pittoresque de voir Super Sherpa cuire nos vêtements sur les pierres chaudes du feu de bois, dans un cabanon de paille. 



Le soleil nous donne, enfin, un bon coup de main et nous réchauffe surtout un peu le moral. Nous avons une grosse journée de marche devant nous. Nicolas a un peu mal au ventre et nous avons tous mal aux mollets, juste en descendant les escaliers de la guest house. Les genoux aussi font mal et je crois qu'aujourd'hui, nous marcherons à la force de notre mental. C'est ma copine Caroline L. (grande trekkeuse de montagne) qui me disait que la marche c'était surtout dans la tête… elle avait bien raison!





Ce fut finalement une autre bonne journée de marche. Oh! La première heure fut pénible mais ensuite ce fut un vrai charme. Nous avons marché six heures comme des petites chèvres et le temps était parfait avec «pas de pluie» et avec «pas de soleil trop plombant» non plus. Nous avons passé à travers une forêt de bambous, juste avant le village du même nom, et super Sherpa a taillé aux enfants des bâtons de marche avec une immense serpe digne de Panoramix. Nous avons avalé la dernière heure de marche en gambadant sur les sentiers vers la halte de Dobhan. Les enfants ont passé leur temps à jaser sur la route. Ils imaginaient leur costume pour l'Halloween 2012! Des heures de discussions! je n'ai pas osé leur dire qu'ils auront le temps mille fois de changer d'idée car, ainsi, ils n'ont même pas vu les kilomètres défiler…

Cinq

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Todapani-Chhomrong

Départ super tôt. On voulait partit de bonne heure pour tenter d'éviter la pluie, mais on se fait réveiller de toute façon par une quelconque radio vers cinq heures du matin. Nous n'avons toujours pas de vue à l'horizon. Mais on commence presque à s'y faire. Ce n'est tellement pas évident de s'habiller et de paqueter les vêtements dans les sacs. Tout est mouillé ou sale, au choix. La journée sera rude et nous motivons les troupes un brin en prévision de ce qui nous attend. 

Nous aurons finalement une bonne journée. La pluie sera de la partie mais par intermittence et nous réussissons à être à l'abri durant une bonne partie de l'averse. Les sentiers sont superbes et la vue sur la vallée vraiment belle. Les sangsues sont toujours présentes mais Thomas est maintenant capable de ne pas capoter quand il en a une sur lui! On croise des buffles en rut, des convois de mules, des ponts suspendus et des fleurs qui ont l'air artificielles tellement elles sont colorées. La marche est plus facile que les autres jours, car nous sommes en descente et qu'il y a ensuite un bon moment de plat. 

Nous allons dormir à Chhomrong, dernier gros (!) village avant l'assaut final sur le camp de base de l'Annapurna. Dans la guest house, il y a une laveuse et soit disant un accès à internet. Nous avions d'ailleurs bien raison d'être fort sceptiques sur la possibilité réelle de capter l'internet dans ce coin. Mais la laveuse, elle est bien réelle et on en profite pour laver des vêtements. Malheureusement, il se met à pleuvoir au moment d'étendre sur la corde. Zut alors! il n'y en aura pas de facile dans ce trek! Bon, au moins il y a la télé dans la salle à diner et même si on est gelés, on regarde un méga film poche de super héros américain. On jase aussi avec une Tchèque qui revient du camp de base de l'Annapurna et on commande à souper. C'est assez simple, c'est exactement le même menu depuis 5 jours. Ce n'est pas très bon et c'est vraiment hors de prix!

Je commence à être un peu découragée! Je ne sais pas trop si les enfants auront des vêtements chauds et secs demain. Mais, soudain… il y a une percée dans les nuages, un rayon de soleil et le flanc sud de l'Annapurna apparait dans toute sa splendeur. J'ai failli pleurer tellement c'était magnifique. Avec la brume, on ne s'imaginait pas un instant que les montagnes aux sommets couverts de neige se trouvaient juste devant nous. C'est alors presque magique de les voir apparaitre...

     Remarquez notre linge qui «sèche»...

Quatre

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Ghorepani-Tadapani

De la pluie toute la nuit. On pensait se lever tôt pour aller voir la vue à Poon Hill (il parait que c'est une des plus belles vues du monde et c'était la raison de notre passage à Ghorepani et donc du petit détour de deux jours de marche supplémentaires), mais avec le brouillard, ce n'était même pas la peine de se lever pour tenter le coup. Nous décidons tout de même de ne pas rester et de continuer à marcher (certains trekkeurs en étaient à leur troisième nuit dans le village pour tenter de capter le soleil qui se lève sur le massif de l'Annapurna). Mais, peu de temps après notre départ, c'est de nouveau la pluie qui nous retombe dessus. Hum, avoir su, nous serions sûrement restés à Ghorepani.

Ce fut une dure, une très dure journée. Marcher mouillés dans des décors idylliques que nous ne voyons pas, c'est un peu exigeant pour le moral. Il fait froid, c'est hyper glissant, Olivier a mal à un bras, Catherine au ventre. Les bobos de tout le monde font surface. Nous avons l'air d'ombres dans le brouillard et je m'attends presque à voir sortir Gandalf des buissons, au mieux, ou Voldemort, au pire. On se fait, de plus, attaquer par de vicieuses sangsues qui s'infiltrent même à travers les souliers et les bas, joie! Une chance que Super Sherpa vient à notre rescousse pour décoller les vampires!

Sur la route, nous croisons régulièrement les mêmes marcheurs qui, aussi penauds que nous, nous suivent ou nous précèdent, selon notre rythme (un couple de français, trois américains, une allemande et un trio de chinois). On se salue, on échange quelques nouvelles de l'état de mouillage dans lequel nous pataugeons. On se sent un peu moins seuls. Les enfants commencent à avoir hâte de revenir et nous avons même eu droit à un «Je m'ennuie tellement de l'école...»

Nous avons tout de même la chance de voir encore toute une colonie de langurs (des genres de singes) jouant dans les arbres. Ce fut un petit moment réconfortant dans cette journée! Nous avons aussi eu un autre moment réconfortant en prenant le thé et en mangeant du fromage de Nak (le Yak étant le mâle, le fromage de Yak n'existe donc pas!), avec un sympathique français de Bayonne dans une petite tea house sur la route. Et nous avons aussi bercé deux bébés népalais durant notre pause-diner, des petites jumelles qui faisaient sensation dans la guest house! Voilà pour l'excitation, le reste de la marche se résumant un peu dans des tentatives de ne pas glisser sur les roches, de ne pas tomber dans la bouette et d'éviter de se faire vider de notre sang par les sangsues voraces, durant six heures.

Nous sommes arrivés à Tadapani mouillés comme des canards. Le mini village, sous la pluie, semblait en ruine. Tous les lodges sont aussi moisis les uns que les autres et, entre le pas-de-douche-chaude et la chambre-cellule-carcérale, ce n'est vraiment pas évident de choisir la moins pire. Il fait froid, c'est gris et tout est boueux. Bref, rien pour remonter le moral et rien du tout pour tenter de faire sécher minimalement les vêtements. On s'installe dans la salle à diner pour jouer aux cartes et prendre un thé et nous jasons avec un couple d'Israéliens qui, ultra religieux, ont apporté toute leur nourriture et se cuisinent tous leurs repas durant tout leur séjour au Népal! Porteurs ou pas, faut le faire, tout de même!

Nous jouons aux cartes. Je montre à Catherine comment prendre une douche avec insectes, pas de lumières et pas d'endroits où poser ses choses… toute une aventure digne d'un camp scout! On soupe, on se couche, on gèle une partie de la nuit...


Compte tenu des conditions climatiques, les appareils photos sont restés bien rangés...

Trois

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Tikhedhunga-Ghorepani

Nicolas se sent un peu mieux et ne fait plus de fièvre, nous décidons donc de continuer notre route. Cette section du trek est réputée assez ardue avec une montée constante de plus de 3500 marches selon le Lonely Planet. Dawa, cependant, nous assure qu'il y en a plus de 6000 et, honnêtement, sur ce coup là, j'aurais tendance à lui faire confiance car nous avons monté toute la journée.
 
Ce n'est, tout de même, pas si dur. Ma collègue Christine C. m'avait dit que je me mettrais en forme sur la route, je commence à penser qu'elle avait raison. On grimpe en traversant des petites bourgades de trois maisons, des troupeaux de chèvres qui dévalent les pentes (elles se dirigent vers les grandes villes pour se faire sacrifier lors de la grosse fête de Dasain, la semaine prochaine) et des écoliers en gougounes qui se rendent à l'école, située à une heure de marche plus bas. Ils doivent trouver bien comiques ces touristes qui grimpent «pour le fun» et relativement péniblement, tout de même, un sentier qu'eux doivent emprunter quotidiennement.



On traverse un paysage de jungle, une végétation incroyable avec des fleurs superbes, nous voyons même une colonie de singes jouant dans les lianes. On marche presque toujours seuls dans les sentiers. Tout va donc très bien, mais, deux heures avant d'arriver à Ghorepani, nous attrapons la méga douche. Les sentiers, en escaliers, se transforment alors en cascades (littéralement) et c'est totalement trempés que nous arrivons à notre Lodge. Une chance, il y a un feu au centre de la salle à diner et nous pourrons tenter de faire sécher nos vêtements durant la soirée. Ce sera toute une entreprise! C'est à ce moment que nous prenons un peu plus conscience de ce qu'être guide représente véritablement. Super Sherpa Dawa veille sur nos vêtements comme une chienne sur ses chiots. Il fait inlassablement la rotation sur les cordes et s'assure que notre linge sèche avant celui des autres (qui ont des guides plus fainéants que le nôtre?). Je dois même insister pour qu'il aille se coucher même si le linge était encore un peu humide, car j'avais peur qu'il passe la nuit, en chien de fusil, autour de nos affaires.

C'est aussi lors de cette soirée que nous expérimentons notre premier dal bhat (riz-lentilles-curry) avec les doigts selon une technique enseignée par Super Sherpa. Ce n'est pas très élégant mais c'est vraiment meilleur ainsi!

On est un peu (pas mal) fourbus de notre sept heures de marche en montée. Encore une fois, les enfants ont été épatants! Ils sont peut-être trop essoufflés pour se plaindre?

Un et deux

28 sept. 2011

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Départ Pokhara (en voiture) jusqu'à Naya Pul
Naya Pul - Tikhedhunga

J'ai toujours pensé que le Népal était un pays frais, avec des montagnes recouvertes de neige et un fond de l'air frisquet en permanence. J'avais en partie faux. Le Népal, au cœur de ses vallées, est un pays tropical avec une végétation digne de la jungle! Nous avons marché, lors de notre premier jour de trek, dans une chaleur humide et collante avec quelques petites averses même pas rafraichissantes! Ça me fait penser à la Jamaïque, de dire Thomas. La mer en moins et les buffles en plus, j'imagine. Ceci dit, végétation luxuriante, rivières en cascade, papillons fluorescents et sons tonitruants des cigales nous ont accompagnés durant toute notre marche.

J'ai aussi appris, lors de ce premier jour, de ne jamais faire confiance à un Sherpa de la tribu des Sherpa, lorsqu'il nous dit «easy walk, only two hours, easy, easy». Ouais, ouais, méga easy. Je n'ai pas trop hâte de voir le difficult! Surtout avec cette chaleur qui nous transforme en lavettes en moins de deux minutes de marche.

Une chance, une superbe cascade traversait notre parcours à mi-chemin. Nous devions ôter nos souliers et nous mouiller les genoux pour la traverser. Les enfants en ont profité pour batifoler entre les rochers et Michel pour gagner le prix de la gaffe de notre voyage en ratant magistralement le lancement de son soulier par-dessus la rivière. Et oui! le soulier a fini dans l'eau et Michel, estomaqué, a dû contempler, penaud, son meilleur compagnon de randonnée poursuivre sa route, seul, dans les rapides. Méga fail ont dit les enfants! Ceux qui connaissent un peu Michel et savent tout ce que ses souliers représentent peuvent alors très bien s'imaginer son désarroi! Michel se voyait déjà poursuivre le trek en gougounes. Mais c'était sans compter sur Dawa, le valeureux Sherpa de la tribu des Sherpa qui, n'écoutant que son courage, a risqué sa vie pour le soulier (vraiment). Il est remonté sur le sentier en courant (pieds nus), pour replonger plus loin dans les rapides afin de repêcher le précieux. Michel, tellement soulagé, s'est même baigné dans la rivière pour se remettre de ses émotions, c'est tout dire!


Premier arrêt: le village de Tikhedhunga où nous passerons la nuit. Dormir sur la route, en trek, ne coûte presque rien (le prix d'une soupe pour une chambre double, c’est-à-dire 2$!) mais manger coûte pas mal plus cher que dans les villes (presque quatre fois le prix!). C'est, par contre, relativement compréhensible lorsque l'on pense que tout ce que nous consommons est arrivé ici à dos d'homme! Du coup, on ne commande pas de bière et on ne chiale pas (trop) pour la douche froide (le combustible est rare).

Nous pensions repartir le lendemain, mais Nicolas est malade. Diarrhée, vomissement, petite fièvre et nausée. Voilà qui est rassurant pour les parents (glurp). Nous décrétons une journée de repos avec dodo, riz et bouillon de poulet pour le malade (quand il arrive à manger). On surveille la fièvre, on réhydrate et on cajole notre ainé un peu. 



Il y aurait pire place pour attendre: nous sommes dans le fond d'une vallée avec le bruit d'une cascade qui couvre presque le son de la voix. Autour de nous, c'est la jungle. Nous avons sorti les jumelles (Marc, j'ai vu un oiseau bleu pâle qui ressemble à une perruche), le jeu de Corsari et, coudonc, une vieille guitare traine aussi dans un petit coin. On ne devrait pas trop trop s'ennuyer même si nous allons, sans doute, vraiment rapidement faire le tour du menu minimaliste.

Pluie intense durant les deux nuits que nous passerons ici.

Zéro

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Vendredi matin, nous paquetons tout ce qu'on a en sachant qu'on en laissera une partie à Pokhara avant de partir en trek, puis nous partons tôt de l'hôtel, à 6h30, afin de prendre l'autobus inter-cités. Le guide-concierge nous attend impatiemment dans le hall pendant que je règle la note de l'hôtel et il se charge de fixer les sacs sur les toits des deux petits taxis qui nous mèneront jusqu'à l'autobus. Je suis d'humeur peu amène car le montant de la note, même s'il s'avère exact, est plus élevé que je ne le croyais et je dois vérifier les comptes à la sauvette, pressé par le temps et par le non-verbal du Sherpa-chasseur. Une fois embarqués, rien pour améliorer mon humeur ni ma confiance : ce dernier me demande 400 roupies pour les taxis. Pardon? Pardon? C'est pas supposé être tout-inclus, ce truc?

No, you need to give me 400 roupies for the taxis.

Je fulmine un peu, surtout parce qu'on s'arrête au bout de ce qui semble être un gros kilomètre maximum, et je partage avec Laurence mes craintes de nous être empêtrés dans une arnaque organisée, un engrenage dans lequel on vient possiblement de mettre le bout de la cravate. Ou du sari. 

Tiens, Dawa, un billet de 500 roupies, que je lui tends par dépit. Il s'exécute pour me le prendre et, se tournant vers les deux chauffeurs, sort subrepticement quelques autres billets de son portefeuille qu'il leur distribue au sein de force discussions. Non, je ne veux pas savoir ce qu'ils se disent, et surtout pas combien il les paie vraiment.

Euh, pseudo-Sherpa, je peux avoir ma monnaie? You know, one hundred rupees change?

Oh, sorry, I don't have change. I will give it later.

La roue tourne, la cravate se serre. Later... right. Je garde mon flegme d'arabe bien élevé, je ravale ma salive, mais, le col si serré, ça me sort en fumée par les oreilles. Je me dirige avec les autres vers l'autobus, en comptant nos sac, en me promettant de tenir bien à l’œil ce guide, et en cherchant l'occasion de lui rappeler subtilement notre petite dette. (Bon, qu'on se le dise, cent roupies, c'est environ un dollar trente-quatre. Rien pour justifier un combat au couteau, mais assez pour transpercer le cœur d'un gars qui essaie de se tenir au dessus des petits arnaqueurs. Et des plus grands.)

Nous avons choisi l'autobus de moyenne gamme, sans climatisation ni diner inclus, mais pour la moitié des sesterces. La scène est fascinante car une trentaine d'autobus sont alignés sur le bord de la route, tous en partance pour Pokahara, et tous ou presque identifiés en grosses lettres sur leur fronton : TOURISTS. À vrai dire, je me demande l'utilité d'une telle marque au fer rouge. Pour qu'on puisse mieux rire de nous? Pour qu'on nous laisse tranquilles, héritage du début des années 2000 quand les rebelles maoïstes faisaient du grabuge? (C'est plus calme maintenant qu'ils font partie du gouvernement) Je n'ose pas m'enquérir. Je reprends un peu de sourire en regardant les vendeurs de journaux et de grignotines faire des allers-retours commerciaux entre les divers autobus stationnés en file indienne. Encore un déridement en voyant, un arrêt plus loin, quelques non-TOURISTS prendre place dans les sièges vacants sous les regards complices des contrôleurs d'autobus, surement en échange d'un tarif en-dessous de la table nettement moindre à celui que nous avons payé. Enfin, on s'amuse en constatant que les guides sont tous à l'avant du véhicule, dans une sorte cage de verre, avec le chauffeur. Ils ont la plus belle vue, mais à savoir comme on conduit ici, c'est souvent mieux de ne pas trop regarder ce qui s'en vient devant...

Côté confort, ce bus ressemble à tout ce qu'on peut s'imaginer d'un transport népalais de moyenne gamme. On ne se plaint pas, même si c'est très rudimentaire comme coussinage, et même si c'est très chaud vers la mi-journée. Non, ce qui nous gêne le plus, ce sont les autres touristes. On a le merveilleux bonheur de tomber sur une majorité de français et d'allemands comme colocs. Joie. Je crois que ce qui faisait le plus mal, c'était de comprendre leurs chiâlages intempestifs. Sept heures de temps. Sept. Heures.

Scheiss! After dis, never I vill complain about german bus again! Ha ha!

Oh, putain! Ça y est, dès que j'arrive, je prends le premier vol de retour possible...

Crime, tu viens visiter le Népal, chose. Le Népal. Si tu veux reposer tes foufounes en toute sécurité, reste chez vous, ou fais quelque chose de wild comme aller à St-Tropez.

Mais on tolère magnanimement leurs éructations de commentaires en ayant toutefois un peu honte de parler français et d'être intimement associés à eux (jusqu'à présent, ceux qui reconnaissent notre langue concluent invariablement que l'on vient de France, malgré nos petits drapeaux, que personne ou presque ne reconnait). On finit tout de même par engager quelque brin de conversation avec la moins nounoune des Françaises, et, avec elle, on se moque bien de leur... caractère, tandis que la Suissesse derrière se marre bien tellement le préjugé se vérifie, live.

Deux arrêts étranges ponctueront le parcours, pour déjeuner et diner, dans des genres de Madrid (pas comme en Espagne, comme près de Drummondville – je sais, je sais, il vient de fermer) où plusieurs autobus débarquent des hordes de TOURISTS affamés en quête de chow mein.

Lecture dans l'autobus: Lonely Planet –Nepal. Un encadré sur les Sherpa attire mon attention. Je savais déjà qu'on distinguait Sherpa de sherpa, le premier étant une ethnie de la région de l'Everest, reconnue pour ses montagnards exceptionnels qui font pour la plupart des guides (et pas des porteurs), et l'autre, avec la minuscule, étant un terme générique pour désigner (abusivement?) tout porteur. De ce que j'avais cru comprendre lors de notre première rencontre, notre Dawa se réclamait de la première appellation, la plus prestigieuse (c'est même une caste en soi, que Sherpa) et mon scepticisme envers ce fait fut mis à l'épreuve en lisant plus loin que souvent, on donnait comme prénom aux Sherpa le nom de leur jour de naissance en langue Sherpa, exemples à l'appui, en commençant par lundi: Dawa. Un vrai Sherpa? Vraiment? On a un vrai Sherpa avec ce concierge? Ça reste à voir, me dis-je, n'importe qui peut s'affubler d'un sobriquet du genre, non?

On arrive enfin à Pokhara en début d'après-midi, ville axée principalement sur les TOURISTS (enfin, toute la partie Sud-Ouest, surnommée Lakeside), où l'on trouve un niveau de confort supérieur, notamment en matière d'hôtels, mais surtout de restaurants et de salons de massage, qui assurent un repos pour les trekkeurs éprouvés par les rudes et spartiates conditions de la montagne. C'est pour cela que nous y resterons quelques jours après notre trek. Au terminus d'autobus, une fourgonnette de l'hôtel nous attend parmi les 47 chauffeurs de taxi qui nous sollicitent, puis nous conduit à bon port, pas tellement loin.

Pendant que nous attendons nos chambres, le gérant de l'hôtel me signifie avec moult expressivité que Dawa est un bon ami à lui et un excellent guide aussi. Je crois avoir répondu tout aussi sincèrement que lui en disant que s'il était un ami de Dawa, alors qu'il était mon ami. Ils ont eu l'air bien content de ma boutade, et je ne pouvais que continuer de sourire à pleines dents en les voyant en faire autant.

Le temps de prendre possession de nos chambres, et nous prenons un thé avec Dawa pour les derniers préparatifs. Il inspectera nos sacs (ceux que nous apportons en trek) en soirée, pour s'assurer que nous ayons tous le nécessaire et pas trop de superflu. Il nous dit aussi qu'il faudra se rendre à Naya Pul demain matin, d'où nous commencerons réellement à marcher. Pas de surprise : le coût du transport est à nos frais (mais ça, on le savait). On peut prendre une navette de type mini-fourgonnette pour 3000 roupies. Trois mille? No way, mon homme!

Yes, but it's one hour...

On nous a dit que l'autobus coutait 100 roupies par personne!

Yes, but it's public bus, no comfort. And public bus is two hours. And we need to take also small taxis to get to bus.

Combien tes small taxis?

Maybe 200 rupees.

C'est ben correct pour nous. On a pas de sang allemand anyway. Un peu de français, ouais, mais bon, ça ira.

(Court moment de réflexion) Oh, I have idea, my sister lives in Pokhara, maybe she can drive us, she has van.

Il l'appelle devant nous sur son cellulaire. Drôle, même genre de ton dans la discussion qu'avec les chauffeurs de taxis.

Oh, she say also 3000...

Fais-toi-z-en pas mon Jean-Guy, on prend l'autobus.

**

On déambule dans Pokhara, tout près de notre hôtel, pour acheter les trucs qu'il nous manque : deux chapeaux, un bâton de marche et deux pantalons de coton léger pour les deux grands (euh, Nicolas et Olivier). On s'amuse à négocier avec les commerçants (un bon marchandage se termine quand les deux parties ont le sourire lors de la transaction), puis on prend notre souper dans un restaurant italien. Oui, italien. On s'est dit qu'avant de vivre de dal bhat pendant douze jours, on se permettrait un caprice. Et, tenez-vous bien, on y mange les meilleures pizzas depuis celles dégustées à Venise. On offre même des gelati aux enfants, qui sont par contre à des années-lumière de celles de San Gimignano. (Je vous reparlerai de nourriture occidentale bientôt.)

On retourne à l'hôtel pour passer à l'inspection et boucler nos sacs à dos avec le nécessaire pour douze jours (je reviendrai sur ce sujet aussi). Laurence et les enfants prendront leurs sacs de jour de 15 litres, et moi un gros sac à dos de 40 litres, que je ne remplirai toutefois pas. Quelques items plus lourds ou encombrants seront confiés au guide : trousse de toilette, de premiers soins et d'urgence, jumelles et gougounes. On est loin du dix kilos! Dawa fait le tour des piles de chacun et acquiesce majoritairement avec nos choix. Il semble savoir ce qu'il fait, c'est rassurant. D'un autre côté, j'étais arrivé aux mêmes conclusions en cherchant un peu sur Internet et dans le Lonely Planet – Trekking in the Nepal Himalaya.

Oh, et vous ne serez pas surpris des good news! que nous apprend Dawa, qui se trouve à jouer un étrange rôle d'intermédiaire : l'hôtel devant aller chercher des trekkeurs à Naya Pul demain, ils offrent de nous y accompagner en mini-fourgonnette pour... 2000 roupies.

Ok Dawa, va pour 2000 roupies. C'est de bonne guerre.

**

Nous sommes prêts à partir, pour de bon cette fois, aux aurores demain matin.

Des papillons.

Moins un

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En retrait du lobby de l'hôtel Ganesh Himal, à Kathmandu, juste à côté du restaurant (succulent par ailleurs) se trouvent un bureau et deux chaises qui forment l'agence de voyage qu'exploitent les proprios. À titre de résidents de l'hôtel, on nous y a proposé des renseignements pour la préparation de notre trek, et nous nous assoyons, ce jeudi matin quinze septembre, face à Prakash Upreti, directeur de l'agence (et, si j'ai bien compris, genre, frère du propriétaire de l'hôtel), qui nous abreuve de conseils sur notre itinéraire et de détails techniques qu'il nous manquait.

C'est donc confirmé, nous serons en route pour le sanctuaire des Annapurnas, le trek d'environ dix jours que nous avions repérés et choisi depuis longtemps, pour son niveau de difficulté exigeant mais réalisable, son altitude raisonnable (4130 m) puisqu'aucun d'entre nous n'avait grimpé si haut et que les réactions à l'altitude (et le fameux AMS – mal des montagnes aigu) sont imprévisibles, peu importe la condition physique, et qu'en ce qui nous concerne, on doit toujours multiplier les probabilités de tels pépins par six...

On avait lu sur les randonnées possibles dans la région, et on demande si notre idée de combiner le trek du sanctuaire et celui, plus court, de Poon Hill (colline aux vues magiques sur les massifs), pour en faire un trek de douze jours est viable. Tout à fait, nous répond-on.

Nous nous questionnions aussi à savoir si nous retenions les services d'un guide, d'un porteur, des deux, ou de ni l'un, ni l'autre. Le trek du sanctuaire étant très populaire (jusqu'à 300 trekkeurs par jour en haute saison – octobre/novembre) et le chemin étant apparemment bien balisé, puis ponctué de petits villages, il n'est pas essentiel d'avoir un guide. Cependant, nous avions lu que les interactions avec les Népalais pouvaient être facilitées en ayant un guide qui puisse faire office de traducteur, et qu'un tel guide pouvait aussi nous en apprendre sur la culture et la géographie locales. On hésitait, donc.
Par ailleurs, notre expérience précédente aux gorges du Saut du tigre nous a fait comprendre que nous pouvions très bien nous tirer d'affaire avec un minimum de vêtements et de matériel sur plusieurs jours, donc peu de poids à porter, donc peu de raisons d'engager un ou des porteurs. Par contre, on avait compris que le poids d'un sac à dos, en altitude, pouvait être gênant, et on pense à Catherine et Thomas, qui n'ont pas encore le physique presque imposant de leurs ainés.

Dissipons aussi un préjugé que nous avions nous aussi. Il faut bien comprendre que le fait d'engager un porteur est très bien vu ici, puisque c'est une occasion de fournir un emploi assez bien rémunéré selon les standards locaux, et donc de contribuer à l'économie népalaise en dépensant un peu plus. On le lit partout : pas question de se sentir coupable d'exploiter physiquement de pauvres gens, ni d'avoir l'impression de se payer un esclave à peu de frais ou de paraitre colonisateur à prendre un, ou même des, porteurs. Notre hésitation résidait plutôt dans le besoin de la chose, même si nous restons peu confortables à l'idée de voir quelqu'un d'autre se taper nos sacs à dos pendant que nous gambadons allègrement dans les sentiers. Laurence et moi pouvons aussi être orgueilleux, et je crois que, tous les deux, nous anticipions une petite fierté supplémentaire de savoir que nous aurions réussi l'épreuve physiquement exigeante jusqu'au bout du dos...

On explique nos attentes face à un éventuel guide, comme quoi on cherche plutôt un guide culturel qu'un guide de montagne, puis, armés d'idées glanées çà et là, nous nous renseignons auprès de Prakash sur la possibilité d'engager un hybride guide/porteur, pas pour prendre tout notre stock, mais pour nous donner une marge de manœuvre. Mais nous savons que le Népal est une société très hiérarchisée (le système de castes est encore présent) et les métiers n'y font pas exception. Ainsi, un guide qui tient une position plus prestigieuse (et qui est presque invariablement passé par un internat de quelques années comme porteur, durant lequel il apprendra le métier et, surtout, l'anglais) ne s'abaisse pas à crouler sous une charge... Mais, nous dit-il, un guide pourra prendre une petite charge supplémentaire pour alléger la nôtre. Une petite charge de dix ou quinze kilos, poursuit-il. Dix ou quinze? Kilos? Euh, c'est quasiment ce qu'on prévoyait apporter pour tout le monde...

On est donc vendus à l'idée. Combien c'est, ce guide? Ils en fournissent ici pour seize dollars par jour. Moi qui en prévoyais vingt, je suis prêt. Aucune obligation de signer avec eux, on pourrait magasiner, mais le prix est juste, l'agence nous inspire confiance (et nous a été recommandée), et on nous promet un jeune homme costaud étudiant au bac en histoire (du moins, c'est ce qu'on comprend) alors, ravis, on acquiesce. On revoit ensemble l'itinéraire projeté sur douze jours, on explique aussi qu'on ne veut pas se presser, que nous sommes en condition physique, en moyenne... moyenne, et qu'on ne veut pas surmener les enfants et qu'on veut avoir le loisir de prendre une journée ou deux de plus, soit pour profiter du temps, soit pour nous reposer au besoin. Sans problème, c'est vu fréquemment, et le guide, prévenu, nous suivra à notre rythme, quitte à rester plus longtemps avec nous. On demande enfin à le rencontrer auparavant – on va tout de même passer près de deux semaines avec lui! C'est convenu : ce soir, dix-huit heures. Et on partirait quand?

Demain matin.

Ouf, on ne perd pas de temps, ici! On en profite donc pour réserver en même temps l'autobus pour Pokhara, deuxième ville du Népal, à 300 km et sept heures de route, d'où partent tous les trekkeurs qui s'attaquent à la région des Annapurnas.

Justement, j'ai un cousin qui tient un hôtel à Pokhara! Je vous fais un bon prix pour deux belles chambres.

Le temps de vérifier la qualité de la prestation en quelques clics sur Tripadvisor sur notre iPhone, et on achète les cinq nuitées à Pokhara, une à l'arrivée demain soir, quatre au retour du trek, pour se reposer. Flexibles, selon le nombre de jours que prendra le trek.

Et après, vous allez où?

Euh, on avait prévu passer quelques jours dans le Chitwan... (un parc national en pleine jungle, réputé pour ses safaris).

Justement, j'ai un autre cousin qui exploite un resort par là! (Tout fonctionne en réseau, au Népal) Je vous fais un prix pour deux nuits, trois jours, en tout compris, hôtel, repas, excursions, guide naturaliste, safari à dos d'éléphant, trek ornithologique, canot, et visite culturelle d'un village local. Voyez ces prix? (Il sort une brochure, c'est en effet exorbitant.) Et bien, je vous le fais à moitié prix (c'est encore exorbitant, mais deux fois moins).

On sort notre calculatrice mentale (on avait prévu des couts supplémentaires pour un safari) et c'est faisable. On se laisse emballer. On était venus s'asseoir pour chercher des renseignements pour planifier notre trek, on se lève une heure et demie plus tard, organisés de A à Z pour trois semaines... et une facture horriblement salée dans les mains (elle inclut les frais obligatoires de permis de trek et d'enregistrement pour la réserve naturelle des Annapurnas – 267$, gloups, le salaire du guide – 16$ fois 12 jours, re-gloups, les cinq nuits à Pokhara, les trois jours de jungle pour six personnes ). Honnêtement, nous ressentons un malaise, Laurence et moi : c'est bien la première fois qu'on se laisse prendre en charge ainsi, et pour si longtemps. Mais on fait confiance, même si on a l'impression de s'être un peu laissé embobiner pour ce qui est du safari en tout-inclus. (Sur cette notion de confiance, je reviendrai un jour.)


**

Je passe sous demi-silence les tribulations pour trouver l'argent comptant nécessaire, parce que notre banque a malencontreusement oublié que nous l'avions avertie que nous serions en Asie durant dix mois : elle avait bloqué nos cartes de guichet. Extrait de la conversation téléphonique :

Fille de la banque : Je vois que notre département de sécurité a arrêté toutes les opérations sur votre compte, je vous mets en communication avec eux.

Fille de la banque numéro deux, du département de sécurité : Bonjour, par mesure de sécurité, M. Sardi, pourriez-vous nous dire de quel endroit ont été effectuées les dernières transactions avec votre carte?

Moi : Euh, oui, de Katmandou, où je me trouve en ce moment.

Fille de la banque numéro deux, du département de sécurité : Hmmm, les informations ne concordent pas.

Moi : Pardon?

Fdlb#2, ddds : Ici je vois des transactions au Népal.

Moi : … Oui, je crois que c'est normal, vu que Katmandou se situe au Népal depuis plus de mille ans.

Fdlb#2, ddds (peu convaincue) : Je dois vous poser d'autres questions de vérification. Quels étaient les montants des dernières transactions?

Moi (et mon impatience de retrouver l'accès à mes comptes) : Trois retraits de 10 000 roupies ce matin, et environ dix-sept tentatives désespérées et refusées d'en retirer d'autres ainsi que dans trois autres guichets, avec ma carte et celle de ma conjointe.

Fdlb#2, ddds : Hmmm, les informations ne concordent toujours pas. Je vois plutôt des montants de 133.97$...

Moi : … Ah, oui? Tiens, comme c'est étrange... C'est qu'ici, les distributrices donnent des roupies, la monnaie locale, tsé? (Et je retiens : Je sais, je sais, c'est un pays bizarre et lointain, le seul qui n'utilise pas encore le dollar canadien.) (Et je retiens aussi : C'est vraiment vous qui vous occupez de la sécurité de mes comptes bancaires? Ça donne envie de se recycler en voleur de banque...)

Fdlb#2, ddds (sensible au crescendo de mon changement de ton) : Bon, ok... je vais débloquer vos cartes. Ce sera fait d'ici cinq minutes.

Moi : Et pourriez-vous vous assurer que cela ne se reproduise plus d'ici, mettons, les neuf prochains mois?

Je vous tiendrai au courant.

Bon, comme demi-silence, on aura vu plus court.


**


Nous passons l'après-midi à errer dans les rues de Katmandou, à Durbar Square, plus précisément. Je suis en amour avec cette ville, dont je vous reparlerai sans doute puisque nous y passerons une semaine au retour de Chitwan. (Mais j'ai déjà envie de dire que je vous préviens tout de suite, si un jour je quitte définitivement le Québec, c'est désormais à Katmandou qu'il faudra venir me chercher.)



Nous arrivons à dix-huit heures pile à l'hôtel, et nous croisons un jeune homme assis près du «bureau» de l'agence de voyage. Il semble un peu timide, mais gentil. Laurence s'approche et lui demande s'il est notre guide, ce à quoi un employé de l'hôtel répond non, c'est moi.

Comment ça, lui? C'est pas un guide (en tout cas il ne ressemble à rien d'un guide), c'est un employé de l'hôtel, non? On ne l'a pas vu porter quelques bagages ou nettoyer quelque terrasse, hier ou avant-hier? Il doit y avoir erreur, que je dis à Laurence, et nous attendons le responsable de l'hôtel qui fait les présentations officielles : le concierge, c'est bien notre guide.

Impossible que ce dude-là ait moins de trente-cinq ans, et il ne semble pas maitriser particulièrement l'anglais : no way que c'est un étudiant. Qui plus est, il est chétif, malingre, fripé... On dirait qu'on a eu pitié de lui et qu'on lui a offert une jobine pour arrondir sa fin de mois.

Je dois vous dire que je ne suis pas ravi. Mais j'essaie de faire confiance.

La rencontre ne dure que quelques minutes. On ne parle que très peu, il nous pose cependant une question pertinente (qu'initialement j'ai de la difficulté à comprendre...), à savoir l'altitude maximale à laquelle nous avons trekké auparavant. On répond, pas peu fièrement : environ 3300 mètres. Mais on sait bien que cela ne nous met pas à l'abri de potentiels symptômes un coup rendus plus haut.

Il nous explique enfin qu'il est un vrai guide, un Sherpa, pas comme les autres ersatz qui courent les rues et qui ne connaissent rien à la montagne. Yeah, right. Il nous répète son nom que nous n'avions pas bien compris, ni Laurence, ni moi : Dawa.

Y'a-tu quelque chose de moins rassurant qu'un guide wannabe qui se vante d'être meilleur que les autres? Oui : un guide wannabe qui se vante d'être meilleur que les autres et qui a un prénom insignifiant.

Mais j'essaie de faire confiance. Je flotte encore, malgré tout, sur le nuage du trek magique que nous entreprendrons demain.

Retenir son souffle

26 sept. 2011

4 commentaires
Nous comme vous, apparemment.

Nous sommes de retour avec deux jours d'avance, sains, saufs et souriants. Nous nous donnons un peu de temps pour arriver, colliger nos rares notes et nos nombreuses pensées... On a beaucoup à raconter, espérons qu'on se souvienne de tout!