Brève réflexion au Choeung Ek genocidal center

2 mars 2012

Choeung Ek Genocidal Center, 19 Février 2012.


Un vaste terrain, de grands arbres, des fosses humides… tous témoins de la même horreur. Je fais le tour du site, je lis les affiches explicatives, je m'assois sur un banc, je regarde l'immense tour érigée en mémoire des deux millions de victimes qui sont tombées entre 1975 et 1978 durant le régime des Khmers rouges. Je ne m'en approche pas trop, je n'en ai pas vraiment envie. Des milliers d'ossements et de crânes y sont exposés sur les sept paliers de la structure.  Ces crânes ainsi que les os ont tous été retrouvés dans des grandes fosses qui parsèment le sol. Des fosses encore pleines de douleurs, de larmes et de corps depuis longtemps décomposés et grugés.

Je réfléchis…

Je suis surement un des seuls, sur le site, qui ne possède pas d'audioguide loué par la réception du centre. Je suis surement le seul qui entend si bien le vent qui caresse doucement les feuilles des nombreux arbres qui m'entourent. Je suis surement le seul qui attend quelque chose.

Je ne sais pas exactement ce que j'attendais… une plainte? Une voix? Un signe? Je ne sais toujours pas, mais c'est sans importance. Dans l'attente, je suis plus attentif, plus conscient. Je revois, dans ma tête, des scènes du film The killing fields que j'avais vu la veille en préparation à cette visite. Des hommes accroupis, devant des fosses semblables à celles que je vois, attendant les coups de feu ou de barres de fers qui les feront tomber, lourdement, au fond du trou. Je pense à ces rêves détruits, à ces vies brisées au fond de ces fosses. Je pense aussi à ceux qui ont survécu et qui ont tous, maintenant, plus de 30 ans. Ils foulent toujours le sol de ce pays et j'en croise tous les jours depuis que je suis au Cambodge. Que ce soit la femme qui me sert au restaurant, la guide touristique qui nous fait visiter Angkor, ou bien le commis à l'épicerie, ils ont tous vécu ce triste épisode de l'histoire cambodgienne et cachent ces horreurs derrière leurs grands sourires.

Je pense à tout cela…

Après un bon moment, je me lève et je vais rejoindre le reste de ma famille. Je suis reposé et serein, penser m'a fait du bien. Je ne me suis toujours pas approché de la grande tour. J'hésite un peu et, finalement, je vais rejoindre le tuk-tuk.

3 commentaires:

Une femme libre a dit…

J'ai également été surprise par le caractère serein et souriant des Cambodgiens qui ont été touchés par cette horreur en plus de vivre dans une extrême pauvreté. C'est un pays qui m'a charmée. Le boudhisme explique-t-il cela?  Quel que soit son âge, son sexe ou sa formation, on revient changé du Cambodge. Merci pour votre beau texte plein de sensibilité.

bryv a dit…

C'est, cher Nicolas, un très beau texte qui montre bien ta maturité. Oui, face à l'horreur, on est sans voix, seul à seul avec soi-même, seul à seul face au silence. De belles réflexions, graves,  touchantes. Oui, chaque jour tu croises sur les lieux des survivants de cette barbarie. Mais, peut-être hélas! croises-tu aussi, sans le savoir,  d'anciens bourreaux, d'ex  Khmers rouges recyclés en monsieur et madame-tout-le-monde qui vivent comme si rien ne s'était passé?... Il vaut mieux ne pas y songer et rejoindre le tuk-tuk pour laisser les martyrs reposer en paix... et apporter avec toi le message d'humanité qu'ils t'ont donné!!!

Rex a dit…

très beau texte... xxxx

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