Reprendre la route

17 oct. 2011

[Note du photographe: Bout de route pas poussiéreux pantoute entre Sankhu et Changu Narayan]

Pour en finir avec l’immobilisme
Après avoir pansé nos plaies pendant une bonne journée, nous étions assez bien pour prendre la route le lendemain. On était vraiment soulagés de nous sentir mieux parce que cela faisait tout de même quatre jours que nous végétions à Katmandou, ville presque entièrement fermée à cause des festivités de Dasain. On commençait à tourner un peu en rond! Nous avons donc laissé nos gros sacs à l’hôtel en ne gardant, dans nos petits sacs, que le strict nécessaire pour trois jours sur la route. 

Notre premier arrêt, la ville de Pashupatinath sur le bord du Gange Népalais, le Bagmati. C’est un endroit sacré pour les hindous et un lieu important de crémation. Là, nous avons choisi de prendre un guide pour l’avant-midi et nous n’avons pas du tout regretté notre décision. En effet, notre guide, très gentil et parlant un anglais impeccable (appris dans un orphelinat du coin géré alors par Mère Térésa, puis en Angleterre où il a vécu par la suite), nous a bien renseignés sur les divers rites funéraires que nous voyions (les cadavres se faisant purifier les pieds dans la rivière, les constructions des buchers, le lait que l’on versait dans la bouche des défunts, le mode de vie des Sadhu…). À la grande joie de Thomas, l’endroit regorgeait de singes avec des minuscules bébés singes (adorables) et nous ne savions plus trop où tourner la tête pour tout voir entre les crémations, les shadu bariolés, les temples, les singes et les tas de petits daims gambadant aussi dans la colline.



[Note du photographe: Préparation des corps pour la crémation]

  



Depuis Pashupatinath, il était facile de se rendre à pied à Boudha, lieu où se trouve le plus grand temple bouddhiste du Népal. Notre guide nous y accompagne et nous faisons tranquillement le tour de la méga stupa géante qui trône, majestueuse, au centre d’une très jolie place (c’est rare au Népal, les jolies places, alors ça vaut la peine de le dire deux fois : c’était une très jolie place). C’est impressionnant de voir ici le mélange des religions hindoue et bouddhiste qui semblent étroitement imbriquées dans le plus joyeux des fatras. Nous voyons des hindous faire tourner des moulins à prières et des bouddhistes faire des offrandes à des dieux hindous, en toute harmonie. 

[Note du photographe: Séance de méditation dans un monastère face à la stupa de Boudha (la ville, pas l'illuminé)]

C’est à Boudha que nous dinerons, dans un petit restaurant sans affiche mais dont l’énorme jardin ombragé nous a attiré. C’est d’ailleurs sous des pomelos géants que nous mangerons un repas chinois! On se rend alors compte que nous nous ennuyons de la bouffe chinoise et que nous avons hâte d’en remanger, après un mois de repas népalais. 

Après le diner, nous décidons de nous rendre à Nagarkot pour la nuit. Après négociations intenses (c’est assez drôle car ici on ne négocie pas avec un chauffeur de taxi mais avec le groupe entier des vingt-huit chauffeurs qui y vont chacun de leur suggestion, hochement de tête, protestations), nous irons en taxi (une heure de route en montagne) de style mini-van. 

Il ne nous reste que deux jours au Népal et nous n’avons toujours pas perdu espoir de voir des montagnes. Depuis le centre du village de Nagarkot, on se dirige vers une Guest house un peu plus en hauteur. On grimpe des marches et, arrivés à la réception, on se fait montrer LA chambre de rêve de l’auberge: une énorme chambre avec deux lits doubles dans l’énorme pièce principale, avec un coin repas (ici on mange sur des matelas avec une table au centre) et une autre chambre avec un grand lit. Il y a des fenêtres sur 360 degrés, un grand balcon ET une vue incroyable sur toute la chaine himalayenne! Enfin!

[Note du photographe: Ma 50mm m'empêche de vous montrer ça comme le voit Laurence, sur 360 degrés]

Juste pour la vue, ça vaut le cout de la chambre. Nous pouvons même apercevoir l’Everest au loin (et qui semble bien minuscule vu d’ici). 

On passe le reste de la soirée à regarder le soleil se coucher sur les monts enneigés. C’est magnifique et le temps est dégagé. Voilà, on est un peu réconciliés avec les vues de montagnes.



Marcher

On se lève à cinq heures du matin pour voir le soleil se lever sur l’Himalaya. Juste à quelques pas de notre chambre on trouve un petit temple hindou en hauteur. On y grimpe et on y reste près d’une heure pour voir la vue. C’est superbe et on s’en met plein les yeux.

Comme nous sommes réveillés, on se met tout de suite en route pour redescendre à pied vers Bakhtapur en faisant un petit détour vers Sankhu. Nous décidons de prendre la petite route peu fréquentée (recommandée par Eva et Erik) qui serpente vers la vallée, ce qui nous donne un six-sept heures de marche facile en descente. Il fait beau et, avec les montagnes en arrière plan, c’est bucolique. Nous passons à travers des petits villages et c’est, enfin, après quatre semaines, ce que nous pensions faire au Népal : marcher, de village en village, s’arrêter, s’assoir un peu, voir des enfants jouer et des gens vivre normalement sans être du tout dans l’industrie du tourisme. Les gens n’ont rien à nous vendre, il n’y a pas de guest houses uniformisées et pas de restaurants avec des menus pour touristes. On respire.

Nous adorons littéralement notre journée. Et nous avons vraiment aimé nous arrêter à Sankhu (petit village où Eva et Erik, nos Hollandais préférés, avaient travaillé pendant quelques mois). Nous avons pris plaisir à déambuler dans les petites rues et on s’est arrêtés dans une petite gargote où un jeune homme nous a cuisiné du chowmein sur son petit rond de poêle, pour notre déjeuner-diner, avec dégustation de bière de riz en prime. Assurément notre repas le moins cher de tout le voyage : deux-cent-vingt roupies, soit moins de trois dollars, incluant les boissons, pour six personnes repues...

[Note du photographe: Chowmein newari en préparation: piquant et excellent]

On continue notre route vers le temple de Changu Narayan, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Encore là, pas de grosse route mais un petit sentier même pas indiqué et qui coupe à travers les rizières. On grimpe sous un soleil de plomb mais nous sommes récompensés par la beauté du site et par les peu de gens qui se risquent dans ce coin. Grâce aux explications de notre guide d’hier, nous sommes maintenant capables de reconnaitre les différents temples dédiés aux principales divinités, ce qui n’est vraiment pas de la tarte! On se perd un peu à travers les réincarnations, les incarnations, les démons et les dieux protecteurs qui peuplent la religion hindoue. Savoir tous les Pokémons et leur évolutions, c’est vraiment facile par rapport à apprendre toutes les formes que peuvent prendre Vishnou ou Shiva!

De Changu Narayan, on prendra un autobus pour nous rendre aux portes de Bakhtapur et, dès notre arrivée dans cette ville – également classée au patrimoine mondial de l’UNESCO –, on regrette vraiment de ne pas être venus ici avant. Les voitures sont presque totalement interdites dans la ville et il y a des temples à tous les coins de rues. C’est aussi une ville plus touristique (et on comprend pourquoi, chaque rue de cette ville pourrait être dans un musée!) et on y fait la rencontre de notre premier groupe de Québécois. On a beau dire, mais entendre «C’est paarfait, on a de la place en masse icitte!», au fin fond du Népal, ça a un petit côté réconfortant du genre bouillon de poulet pour un convalescent.

On se promène au coucher du soleil et nous allons manger sur une terrasse (sur le toit), au son de la musique que des groupes d’hommes font à l’entrée des temples. Nous sommes contents de notre journée et vraiment en amour avec Bakhtapur.


On reviendra à Bakhtapur

Suite aux conseils de deux français bien sympathiques (oui, oui) rencontrés hier soir à notre auberge (des frères fort mignons d’ailleurs et qui voyagent ensemble) on se lève («on» étant Michel et moi) vers cinq heures pour aller nous promener dans la ville. Ça grouille de partout et les habitants sont nombreux à se promener de temple en temple pour donner leurs offrandes aux Dieux (fleurs, grains de riz, poudre de tika…). Les gens font aussi des offrandes devant le seuil de leur maison, allument une mèche dans un peu d’huile, font des salutations. Le marché est ouvert, la lumière du jour naissant est superbe, les écoliers sont en route vers l’école et les échoppes de thé font des affaires d’or. C’est le moment de la journée où les beignets se font, où les légumes se vendent et où les poubelles dans les rues se ramassent. 


[Note du photographe: Le Durbar Square de Bakhtapur]

[Note du photographe: Offrandes placées devant une porte]

[Note du photographe: Un des paroxysmes du syncrétisme népalais]

Nous avons pris un thé coude à coude avec des collégiens (je le répète, le thé népalais est le meilleur du monde) et un yogourt ultra crémeux, le juju dhaub, spécialité de Bakhtapur. On s’est baladé au son des cloches des temples, avons pris des photos et observé la ville, vide de ses touristes, avant de revenir à l’hôtel pour réveiller les enfants. C’est ensuite avec eux que nous avons refait un tour, repris un thé et remangé des beignets. 


 [Note du photographe: le thé népalais mijote...

 
 ...sous des regards amusés!]

En passant devant une école et en regardant à travers les grilles la cérémonie d’accueil du matin (exercices au son de la musique et petits discours, le tout dans une ambiance bon enfant qui est loin de la séance chinoise d’exercices), nous avons été invités à entrer dans la cour et à visiter les classes. Nous avons ensuite longuement jasé avec le directeur, un homme doux et affable qui nous a beaucoup plu. Nous étions bien contents car c’était une école publique (alors que le Népal regorge d’écoles privées très dispendieuses) qui se démène pour offrir une bonne éducation aux jeunes les moins fortunés. Ici l’école n’est pas obligatoire et la pauvreté, extrême. Les enfants sont nombreux à travailler et à mendier dans les rues. Les écoles publiques népalaises doivent donc ramer fort pour tenter de faire une différence avec des moyens vraiment limités. Nous étions tellement tristes de dénicher cette école la veille de notre départ! Assurément, nous y serions restés quelques jours...

Après le diner, nous avions rendez-vous avec un jeune guide recommandé par notre auberge, un étudiant qui prend des cours de français à Katmandou (il veut éventuellement ouvrir sa propre école de français) et qui était super content de pratiquer avec nous. Comme, en prime, c’était un résident de la ville, il nous en a fait faire un tour pendant presque trois heures. Nous avons terminé la visite près du bassin de carpes, où les enfants se sont amusés à les nourrir et à les voir littéralement se battre pour la nourriture.

 Retour à Katmandou en autobus, juste à temps pour aller chercher notre linge sale qui se faisait nettoyer pendant notre absence, faire nos bagages et aller manger népalais pour une dernière fois. Au fait, nous avons surtout mangé un mélange d’indien et de tibétain.

Nous avons vraiment adoré nous trois jours dans la vallée. Nous étions très déçus de devoir rentrer à Katmandou, déçus de ne pas pouvoir rester plus longtemps au Népal (nous avons bien essayé de changer nos dates de billets d’avion mais, peine perdue). Nous avions un peu l’impression (après notre trek et après notre aventure dans la jungle) d’avoir passé à côté de quelque chose, d’avoir un peu manqué un aspect du Népal, de ne l’avoir qu’effleuré en surface sans voir l’essentiel. Après notre promenade dans la vallée, nous savons maintenant que c’est ça que nous aurions dû faire dès le début, marcher et aller où nos pas nous portent, dans les campagnes.

On reviendra.

9 commentaires:

Rex a dit…

la lumière est superbe le matin à Bakhtapur

Desjardins Normand a dit…

Awwwww... Quel périple! Je vois la photo s'améliorer de post en post. Superbe complément à ces textes que je mange comme du gâteau. Merci mes amis!

Unefemmelibre a dit…

Quel plaisir de vous retrouver ce matin. Il y avait longtemps qu'on n'avait pas eu de nouvelles. Vous reviendrez au Népal? Pendant ce voyage-ci ou bien lors d'un prochain voyage?

Valéry Annie a dit…

Ce n'est que partie remise Laurence... ;-) Comme tu l'as déjà écrit, il ne s'agit pas là de l'unique voyage de votre vie mais d'un parmi tant d'autres... ;-)

bryv a dit…

Magnifiques photos de l'Himalaya dans le soleil couchant. Que voilà de beaux souvenirs que vous engrangez jour après jour...C'est passionnant de vous accompagner dans vos pérégrinations toujours
remplies d'imprévues...

Iducas a dit…

Je suis sûre que vous y retournerez! Quand j'ai été bénévole dans un orphelinat, c'était à Bhaktapur, alors j'avais souvent l'occasion d'aller dans la vieille ville, que j'adore. Et je m'ennuie tellement du yogourt, c'est le meilleur au monde!
Bises à toute la famille!

Sabrina a dit…

Qu'elle vu ce devait être en réalité de cet auberge, mes parents regardaient la photo et en étaient vraiment jaloux ! J'étais très contente d'avoir de vos nouvelles à tous. Votre petite escapade dans la vallée parait avoir été très agréable. Espèrant que Katmandou le sera tout autant .

Michel Sardi a dit…

Les photos s'améliorent depuis que j'ai relu le manuel d'utilisation de ma Nikon (en format pdf sur mon iPhone dans un long voyage d'autobus) et que je sélectionne manuellement la balance des blancs... On essaie d'apprendre un peu plus chaque jour!

Laurence a dit…

On espère revenir au Népal lors d'un autre voyage. Peut-être lorsque nous irons, enfin, en Inde. Qui sait....

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