De la jungle et autres considérations...

29 oct. 2011



On ne pourra pas dire que nous n’avons pas de la suite dans les idées et que nous ne faisons pas des efforts plus que louables pour accroitre notre condition physique.

Nous étions donc ici, dans le nord du Laos, avec la ferme intention de faire, hé oui, un autre trek à la découverte des minorités vivant dans les trous les plus reculés de la région. Déjà que la ville laotienne (une des plus grosses du pays) dans laquelle nous nous trouvons (au cœur d'une région protégée par le gouvernement), ressemble à un petit village de campagne chinoise, on vous laisse imaginer de quoi peut bien avoir l’air le «hors sentier» laotien. Mais bon, on abuse un peu car les enfants suivent encore sans trop trop gémir en entendant le mot «trek».

Nous voulions cependant, cette fois-ci, faire un peu différent et, en choisissant notre trek, nous avions bien pris le soin de spécifier nos envies. Pas trop de marche dans la jungle (parce que la jungle, on a déjà un peu donné) et plus de temps dans des villages, avec les gens, quitte à rester à la même place deux nuits de suite et à y faire quelque chose d’utile (si possible). Voilà. Super simple, on n’est pas vraiment difficiles pour le reste. On ne cherche pas le coin le plus reculé ni le plus loin, juste le plus ouvert à partager un brin d’eux en échange d’un brin de nous.

Alors, devinez donc ce que nous avons fait la première journée de notre expédition? Hé oui, de la bonne marche intense pendant cinq heures dans la jungle, avec des milliers de sangsues pour nous divertir, en super bonus. Et comme, moi, les sangsues, bien elles m’aiment, j’ai été quitte pour une bonne saignée gratuite! J’ai aussi eu la chance unique de me faire piquer, sur le crâne, par une méga-super guêpe transgénique (ce n’était définitivement pas mon jour), alors disons tout simplement que j’ai vraiment donné le meilleur de moi-même pour continuer la montée vers le village tant convoité. Comme l'a déjà dit mon amie Audrey, j'ai sué ma vie sur ce sentier!



Il y eut tout de même du bon dans cet exercice d’endurance morale. Le repas sur des feuilles de bananiers, entourés de rizières et avec des papayes fraichement cueillies du papayer qui nous faisait de l’ombre restera un souvenir inoubliable, autant que le serpent super venimeux que les guides ont assommé à grands coups de bâton (parait qu’on meurt quelques heures après la morsure, c’était peut-être mon jour en fin de compte). Les guides, d’ailleurs, étaient tout simplement géniaux! Ils ont amusé les enfants (et les grands) avec des tas de trucs qu’ils ramassaient sur la route. Ils ont fait des flutes, des animaux, des sifflets en bambou, des lances-feuilles en palmier, des bruits avec des feuilles, des jeux d’habileté avec des branches, tué des serpents et des guêpes à la main et manié la machette comme des maitres… Bref, ils étaient vraiment gentils, avenants et multi-tâches! Nous les avons adorés! Merci Singadavong et Phang!


 [NdP: Phang (prononcez: Peng), alias tueur-de-guêpes-du-plat-de-la-main, qui tue ici un genre de concombre orange. Moins glorieux; plus délicieux.]

Lorsque nous sommes arrivés au village, on était cependant un peu déçus. On voulait voir des gens (but avoué de notre trek) et le village Hmong était désert. Au fait, le village, c’était une vingtaine de maisons espacées sur des hectares de terrain rocailleux et en pente (ça prend une bonne heure pour faire le tour du village). De plus, nous logions dans une cabane de paille (la maison des invités), en retrait de tout. Bon, qu’on se comprenne bien, on ne s’attendait surtout pas à un comité d’accueil en costume traditionnel. On comprend aussi un peu les villageois de faire autre chose et de ne pas nécessairement tripper de voir débarquer des gens dans leur patelin. Mais, ici, une bonne partie de l’argent des quelques trekkeurs est véritablement redistribué dans les villages (ce que nous apprécions vraiment). Ça ne me dérange pas qu’ils ne veuillent pas nous voir, mais dans ce cas, faut être cohérent et ne pas non plus vouloir l’argent des touristes. Bon, ceci dit, nous avons tout de même fait le tour du village, fait peur à quelques enfants en passant et donné l’envie à quelques villageois fantômes de s’encabaner à triple tour en nous sentant venir. À la suite de cette «promenade», on se demandait bien ce que nous pourrions faire dans ce bled, le lendemain. 



Après le souper habilement concocté par nos guides (faire trois plats différents avec une seule casserole sur le feu de bois, au centre de la cabane de paille, dans le noir, chapeau!), nous nous sommes couchés sur un genre de plate-forme en bois (ouille!). Tout allait relativement bien (si on excepte les éventuelles plaies de lit), jusqu’à ce qu’un méga-orage éclate (pas du tout dans le planning, celui-là). En moins de quelques minutes, on s’est retrouvés sous la pluie qui inondait les paillasses. Au fait, ce sont surtout les guides qui ont écopé ainsi que Michel et moi. Nous étions alors quittes pour nous rouler en petites boules microscopiques, dans un coin moins humide et à ne pas vraiment fermer l’œil de la nuit, position inconfortable oblige. Du coup, on s'est vraiment demandé ce qu'on faisait là.

Et il a plu toute la nuit. Au petit matin, il a fallu faire des choix. Comme il pleuvait, nous n’envisagions pas vraiment d’aller aux champs (deux heures de marche depuis le village) avec les gens. Nous pouvions tout de même attendre que les villageois qui y étaient reviennent et ensuite passer une autre nuit à la même place. Nous pouvions aussi marcher cinq heures, dans la jungle, pour nous rendre dans un camp de chasseurs et dormir directement dans la nature. On pouvait aussi marcher également six heures, dans la jungle toujours, pour nous rendre dans un autre village et y passer la nuit suivante. Et on pouvait aussi, tout simplement, écourter notre trek d’une journée et prendre la petite route (étroit chemin de terre battue) des motocyclettes qui nous ramènerait assez aisément à la ville en quatre heures, sans passer par la jungle. Nous avons tergiversé un peu sans trop savoir quoi faire. La perspective de marcher sur des sentiers difficiles et rendus boueux et glissants par la pluie ne nous enchantait pas plus qu’il ne fallait. Surtout qu’avec la pluie, c’était la prolifération des sangsues assurée, même les guides ne semblaient pas trépigner de joie. Rester attendre dans le village en se tournant les pouces et risquer d’être encore mouillés une autre nuit n’était pas une avenue plus intéressante que les autres. Nous avons donc décidé (en accord avec Véronique, une belge qui s'était jointe à nous pour cette aventure) d’écourter notre trek et de revenir par le sentier plus praticable et surtout moins sangsués.




[Note du photographe: Ok, honnêtement, avouez que l'élève a nettement l'air plus dangereux que le maitre... (Bon, on passe rapidement sur la précision du carreau.)]

C'est après une démonstration de tir à l’arbalète faite par le chasseur du village (j’ai l’impression de décrire une partie de loup-garous), chasseur qui jouait aussi merveilleusement bien de la feuille (sérieusement, il prenait une feuille et la faisait vibrer harmonieusement sur ses lèvres…j’ai comme l’impression qu’il a passé de longues heures à ne rien faire dans la jungle ce chasseur-là) et un concert de violon laotien (sûrement le truc le plus discordant au monde, mais on s'est bien amusés) que nous avons attaqué tranquillement le chemin du retour.

Et... ce fut vraiment parfait! Le sentier était bordé d’arbres et de cultures diverses, nous avions un superbe panorama sur les vallées, nos guides nous ont gossé des paquets de trucs en bambou, nous avons traversé des plantations d’hévéa, avons pu mettre nos doigts dans le caoutchouc frais coulé (même principe ou presque que pour le sirop d'érable) et, enfin, croisé des gens. C’était exactement le genre de chemin que nous voulions faire.


 [NdP: Catherine et Thomas qui fouillent la récolte quotidienne de caoutchouc]

Vers midi, nous nous sommes arrêtés saluer une famille Hmong qui vivait presque seule, en autarcie, dans un ancien village presque entièrement désaffecté. On a pu jaser avec eux et finalement, suite à leur demande, nous avons mangé notre lunch dans leur maison. Il y avait là les parents et la belle-fille de quatorze ans, belle-fille car elle était mariée, depuis deux mois, avec leur fils de vingt-deux ans! Elle vivait maintenant avec ses beaux-parents et les quatre personnes dormaient ensemble dans le coin dodo de la pièce. On a rigolé avec eux (des gens vraiment souriants) et vraiment ce fut un bon moment. C’est tout de même fascinant de voir des gens qui vivent comme au Moyen Âge, tous dans la même pièce, avec les animaux partout et sans électricité ni eau courante. Nous étions les seconds étrangers qu’ils voyaient, chez eux, de leur vie et ils trouvaient fantastique que nous prenions du temps et de l’argent pour venir les rencontrer, puisque eux ne pouvaient venir dans notre pays. On s’en souviendra.

[NdP: Intérieur de la maison où nous avons diné (détail). Vous repérez l'écureuil?]


À la fin du trek, c’est dans le village d’un des guides que nous avons passé un autre super moment. C’était, encore une fois, exactement ce que nous voulions faire (sans devoir nous taper la jungle délirante en prime). Le guide nous a invités chez lui où une ribambelle d’enfants jouaient. Nous avons cueilli des caramboles directement de l’arbre (vraiment les meilleures que j'ai jamais mangées), avons rigolé avec les enfants qui sont allés (brièvement, une chance!) se cacher dans la maison dès que Michel est apparu sur le sentier (je crois vraiment que c’est la barbe, ici personne n’en porte!) et avons marché dans les rues du village suivi par le cortège de petits. C’est pas mêlant, on y serait restés!

 [NdP: Singadavong (prononcez, genre: Singdabong) et une partie de sa famille élargie.]

[NdP: Ok, soyons raisonnables: je ne terrorise réellement qu'un enfant sur deux.]


14 commentaires:

bryv a dit…

Gare aux sangsues!!! Elles tombent du ciel ou quoi? Comment peuvent-elles piquées à travers les chaussettes? Et ça doit glisser quand on marche dessus... Bon séjour dans les petits villages. Je pense que vous n'en avez pas terminé avec la pluie avec les moussons en Thaïlande!!! Bon courage...

Grande-Dame a dit…

C'est vraiment chouette ce que vous vivez, ces moments singuliers, ces rencontres simples mais que jamais vous n'oublierez.. Chaque fois que je parle de vos péripéties à ma gang, j'ai du coup toute leur attention.

Ouch pour le serpent venimeux !
PS. Laurence, tu me mystifies chaque fois que tu parles de "tes" (apparemment on peut dire cela) sangsues. Il faut mettre des photos !!! J'ai jamais vu de sangsues népalaises ni laotiennes, moi....

Unefemmelibre a dit…

Incroyable tout ça, (bon je vous crois, il y a les photos en preuve!). Très impressionnant en tout cas. Comprendre de l'intérieur la vie de tant de gens dans le monde, réaliser à quel point nous somme privilégiés et en douter aussi, tout est tellement relatif. Je vous suis avec un vif intérêt. Vous êtes certainement inspirants.

Fab a dit…

Y'a tu moyen d'avoir une photo du "bonhomme barbu qui fait peur aux enfants"? C'est Halloween après tout ici, on veut trembler nous aussi!!!! Allez Michel fais nous marrer un bon coup!!!!

Unefemmelibre a dit…

Et pourquoi vous ne répondez jamais aux commentaires?... ouais... c'est vrai, il y en a beaucoup et ça prendrait trop de temps. Bon.... je me suis répondu moi-même, héhé!

Michel a dit…

Je ne réponds pas seulement pour vous faire mentir, Femme, mais c'est vrai qu'on manque parfois de diligence... cependant pas par indifférence, loin de là!

Quand on nous pose une question, nous essayons de répondre... Je conserve par contre quelques questions (dont certaines des vôtres, si je ne m'abuse) pour alimenter la FAQ, qui est encore «en construction». Le reste du temps, en effet, on se permet de savourer unilatéralement les (nombreux) commentaires...

Michel a dit…

Fabyen! Tu sais que je suis prêt à beaucoup pour assouvir tes fantasmes... <
Tiens: https://picasaweb.google.com/lh/photo/APgLC9EA0sKDGG8r-uroi_8wqMu0aPU6c8ixqy66x3w?feat=directlink

Fab a dit…

J'me demandais aussi...il m'aime plus le bougre!!!! Bon je vais aller me rincer l'oeil!!!!

rex a dit…

les enfants sont vraiment mignons... euh, les vôtres aussi, mais je parle de ceux que vous croisez!!

lefactotum2010 a dit…

Très intéressante cette sortie! On apprend beaucoup! Et quelle belle famille que celle du guide!
Bravo!

Jf Legare a dit…

C'est L'halloween...et nous lèverons notre verre demain soir en attendant votre visite...Nous gardons des bonbons pour les enfants. N'arrivez pas trop tard. Ok, si ce n'est pas cette année ce sera l'an prochain. Nous vous suivons, pas à pas, avec ravissement lors de notre café matinal.

La famille Bouchard-Légaré

Laurence a dit…

Les sangsues sont des créatures fascinantes. Elles se tiennent sur le bout des feuilles, le long des sentiers ou même directement sur le sentier. Dès que quelque chose passe, elles s'y harponnent (elles ont comme des ventouses) et commencent alors à ramper vers un espace de chair. Elles passent dont des semelles de souliers à la jonction des chaussettes. Et oui, elles passent à travers les bas pour venir se ventouser sur notre peau! Fascinant!

Laurence a dit…

C'est vrai que l'on devrait prendre des photos. C'est juste que quand tu enlèves ton bas et que tu vois trois ou quatre énormes sangsues sur tes chevilles, tu ne penses pas toujours à tes lecteurs! La prochaine fois, promis, je me sacrifie à la cause...

Sabrina a dit…

Ce billet vient littéralement de me ravigoter !
De voir toutes les choses qu'il vous a été donné de faire, par exemple de toucher à du caoutchouc frais (!) me surprend.
Ce petit moment de lecture m'a tirer hors de ma bulle de stress ( fin d'étape oblige ) et de mécontentement.
Merci de m'avoir redonner le sourire. ;)
Fais bien attention aux sangsues à l'avenir Laurence.

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