Un portail facile d'accès...

7 sept. 2011




Notre paranoïa occidentale quant à la sécurité dans les écoles semble être bien loin des tracas quotidiens des enseignants de Zhongdian (Shangri-La).

Nous sommes sur la place centrale, face au parc, il est midi trente, et nous voyons plusieurs écoliers suivre le chemin du retour de la pause-diner. Facile de les reconnaître à leur uniforme, ici un ensemble de sport en nylon rouge et blanc et, comme semble-t-il partout ailleurs en Chine, un foulard rouge noué autour du cou. (Symbole communiste, que nous supposons? Probablement. Et patriotique aussi...)

Les deux profs en nous subissent la même tentation : les suivre jusqu'à leur école, et demander à visiter une classe.

Alors c'est ce qu'on fait, et cinq cents mètres plus loin, nous aboutissons au portail qui donne sur la cour d'école. On cherche du regard un responsable qui encadrerait peut-être les quelque vingt élèves qui balaient la cour (enfin, qui s'amusent avec des balais...), mais peine perdue. Les seuls adultes sont des parents qui raccompagnent leur enfant (j'allais commettre un lapsus et écrire : leurs enfants). Pas même l'ombre d'un militaire. On se risque donc et on franchit le portail, en longeant le bâtiment de l'école et en zyeutant par delà les portes ouvertes. Les enfants, étonnamment, ne nous accordent que peu d'attention, et encore moins dès qu'on croise leur regard. Nos propres enfants nous trouvent étranges de pousser plus loin, car on se propose d'entrer pour aller nous-mêmes à la rencontre d'enseignants. Avec circonspection, nous passons dans le corridor principal qui jouxte les classes. À peine deux mètres plus loin, on tombe face à face avec une maitresse d'école (elle a vraiment le stéréotype de la maitresse d'école – je ne m'avance pas plus sur le sujet potentiellement glissant), assise à son bureau à l'avant de la classe, plongée dans une pile de corrections de grands cahiers identiques. On cherche à attirer son attention, sans grand résultat. En avançant un peu, on se rend compte que ses élèves sont en rédaction quelconque, alors on se dit qu'on dérange peut-être...
On marche un peu plus loin, et on croise une deuxième classe, copie conforme de la première, sauf que l'enseignante semble un peu plus sévère. Toujours aucune attention de sa part. Même les élèves ne semblent pas si perturbés par notre présence, un coup d’œil vers nous, puis ils retournent à leurs cahiers. Il nous faudra passer la tête dans quatre ou cinq cadres de portes pour qu'enfin une d'entre elles accepte de soutenir nos regards plus d'un quart de seconde, au milieu d'un troupeau de petits massés autour de son bureau. J'en profite immédiatement pour baragouiner un ni hui shuo yingyu ma? dont l'accent semble lui revenir suffisamment pour qu'elle me déballe un tas de palabres en cascade, que j'interprète comme signifiant : «Désolée, mais je ne parle pas anglais, cependant, peut-être qu'à la salle des profs à l'étage on saura mieux vous répondre», mais dit longtemps. Sur cette interprétation tout à fait libre, évidemment soutenue par la gestuelle de l'enseignante, nous déambulons, absolument pas inquiétés, dans les corridors et les escaliers de l'école, croisant seulement quelques parents, enfants (qui entrent et sortent des classes un peu n'importe quand, on dirait) et affiches à l'effigie de ce qui pourrait être un ancien directeur, un quelconque dignitaire ou penseur. (Ah oui, et d'autres qui engagent les élèves à être d'abord des bons enfants à la maison, ensuite de bons élèves pour enfin devenir des citoyens modèles. Après tout, n'est-ce pas un peu ce qu'on essaie de faire nous aussi?)
Ce qui nous laisse pantois, c'est qu'à aucun moment on nous a demandé qui on était, ce qu'on faisait là, à aucun moment on nous a regardé croche... et pourtant, on jure pas mal, dans ce décor.
Au deuxième et au troisième, c'est bien plus vide, et quand on arrive dans la salle des profs (elle était bien à l'étage!), nous comprenons rapidement de la seule personne présente qu'elle ne peut pas nous comprendre...
On refait un essai dans les classes, on fait des coucous presque insistants aux enseignantes qui semblent les plus avenantes, mais sans succès. Difficile même de leur demander la permission pour un ou deux clichés... On ne s'en tire pas si bredouilles, parce qu'au fond, on l'aura visitée, cette école!

J'avais envie de leur dire que chez nous, on fait des pratiques de confinement pour les cas où des gens un peu trop étranges viendraient rôder près de nos enfants...


On aura un début d'explication plus tard, en soirée, en jasant avec ce français d'origine chinoise rencontré plus tôt sur notre route. Selon lui, il s'agirait d'un trait culturel. En l'absence de possibilité de communication, les Chinois préfèreraient s'abstenir entièrement et d'ignorer complètement l'étranger. Selon lui, c'est ce qui aurait permis à un de ses compatriotes français (et blond) de pénétrer dans les cuisines d'un McDo de Shanghaï sans qu'on lui pose la moindre question...

Une deuxième explication nous est offerte le lendemain, cette fois venant d'un américain installé ici et œuvrant comme guide touristique : les Chinois auraient une peur bleue de l'initiative. En cas de doute, abstiens-toi serait leur devise. Car devant une situation imprévue comme celle-ci, et sans savoir si les supérieurs hiérarchiques auraient accordé une autorisation ou pas, on ne prend apparemment aucune chance, ni de commettre un impair, ni de perdre la face...

4 commentaires:

bryv a dit…

C'est vraiment un autre univers culturel. Si des Chinois entraient dans ta classe, qu'arriverait-il? Des rires, du brouhaha... C'est vraiment un autre monde et c'est formidable de nous faire découvrir, par vos expériences, tout ce qui nous sépare encore, et j'espère pour longtemps, les uns des autres...Les photos en disent beaucoup...

Julie Deblois a dit…

Ouah!
C'est tellement différent d'ici!
Merci de me faire voyager.
Nous lisons votre blog en tribu (notre famille reconstituée) et vous nous faites rêver!

Frousette a dit…

Ils ont l'air bien appliqués et à leur affaire ces petits élèves. Ont-ils fait rêver les profs en vous?

Michel a dit…

Un peu, mais il faut savoir que les périodes de concentration étaient courtes et entrecoupées de périodes de pauses où les allées et venues chaotiques des enfants (à l'intérieur comme à l'extérieur de la classe!) nous laissaient perplexes...

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